Le scandale Weinstein, et l’immense vague de témoignages sur les réseaux sociaux partout dans le monde qu’il a suscité, délie aussi les langues au Parlement européen. Mercredi 25 octobre, ce dernier organisait un débat en plénière pour dénoncer un phénomène touchant plus d’une femme sur deux dans l’Union européenne.

Egalement pour aborder frontalement sa propre situation interne : au sein de l’institution, les femmes ne sont pas forcément mieux protégées qu’ailleurs. Le site d’information Politico.eu a ainsi recueilli, ces dernières semaines, plusieurs dizaines de témoignages de membres du Parlement européen faisant état de cas de harcèlements, et même de viols ces dernières années.

« Il y a deux hommes dans mon cabinet. M’est-il déjà arrivé de leur pincer les fesses dans un ascenseur ou de les coincer dans mon bureau ? Jamais. Le sentiment d’impunité est intolérable, il faut que cela cesse, maintenant ! » a martelé l’eurodéputée verte Karima Delli, dans un hémicycle notoirement vide. L’eurodéputé socialiste Edouard Martin a été un des rares hommes prendre la parole :

« Il n’y a pas plus de cas de harcèlement ici qu’ailleurs. Mais il n’y en a pas moins non plus. Nous avons une responsabilité collective pour y mettre un terme. Nous devons mettre fin à la précarisation des contrats de travail pour nos assistants, alors que 95 % des femmes sont licenciées quand elles dénoncent les faits. »

Très investi sur le sujet, l’ex-syndicaliste d’Arcelor-Mittal a réclamé « un audit externe » et « un comité spécial pour le harcèlement sexuel » au Parlement de Strasbourg.

« Nous devons progresser sur la libération des témoignages »

Les cas de harcèlement toucheraient surtout des assistantes parlementaires. Le Parlement européen compte 751 eurodéputés et près de 5 000 assistants, aux statuts de contractuels aussi divers (contrats nationaux quand ils travaillent dans les pays membres) que précaires.

« Si on craint pour son emploi, on ne peut pas faire grand-chose quand on est assistante européenne. Quand une assistante a un problème, qu’elle vienne dans mon bureau ! » a proposé la Britannique Julie Girling, du groupe des Conservateurs et réformistes européens.

Le Parlement de Strasbourg compte bien une structure interne, un « comité de lutte contre le harcèlement », mais qui n’aurait reçu aucune « plainte formelle de harcèlement sexuel » selon Antonio Tajani, le président de l’hémicycle.

Ces derniers jours, le Sunday Times rapportait pourtant que plus d’une dizaine de femmes auraient été harcelées au Parlement européen par « des députés expérimentés issus de tout le spectre politique, dont certains anciens ministres ».

La Française Elisabeth Morin-Chartier (Les Républicains), qui préside le comité contre le harcèlement, a tenu mercredi à défendre ce dernier, tout en proposant des avancées :

« Nous devons progresser sur la libération des témoignages. Pour cela, nous devons mettre en place un réseau de personnes de confiance pour aider les victimes à parler. Les choses ne sont pas dites, les victimes ont honte. Il nous faut un médiateur entre l’institution et les victimes. Enfin, je tiens à ce qu’ici, chacun soit informé que de ce qu’il risque en cas de harcèlement. »

Beaucoup d’eurodéputées ont par ailleurs appelé l’ensemble des Etats membres à ratifier rapidement la convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes (ratifiée par la France en 2014). D’autres ont suggéré une nouvelle directive. Seule représentante de la Commission européenne à la plénière, la commissaire au commerce Cécilia Malmström s’est montrée dubitative. « Il existe déjà beaucoup de lois et de codes de conduite, c’est sur leur bonne application que nous devons nous concentrer », a souligné la femme politique suédoise.