Cérémonie de matriculation à Oxford. / Noé Michalon via Campus

Diplômé de Sciences Po, Noé Michalon tient une chronique pour Le Monde Campus, afin de raconter son année à l’université d’Oxford, où il suit un master en études africaines.

« Cendrillon, c’est à toi ? » Un escarpin à la main, son baluchon sur l’épaule, un mendiant tambourine à la vitrine d’un fast-food, derrière laquelle une impassible consommatrice dévore son burger de minuit.

Sous un ciel étoilé, les rues d’Oxford ne sont pas remplies de carrosses, comme sa version de jour pourrait presque le faire croire. Les touristes ont pris leur car pour Londres en fin d’après-midi, laissant derrière eux quelques paquets de chips vides pour seul souvenir de leur passage. Généreuse, la ville médiévale les a couverts de mugs, de baguettes magiques, de vrais-faux grimoires et autres artefacts.

La nuit, le petit monde d’Oxford se retrouve autour des fast-foods et des food-trucks, et les bulles sociales, hermétiques le jour, se rejoignent à la surface aussi vite que celles, pressées, du cidre anglais. Queue-de-pie ou cape académique, nœud papillon, les pensionnaires éméchés d’une soirée délurée côtoient bien vite ceux que les prix exorbitants de l’immobilier ont chassé de chez eux. La fringale du soir n’épargne personne. Pour autant, si ces classes extrêmes que tout sépare ont en commun leur adipeux dîner, rien n’indique qu’elles se fréquentent davantage.

On a rapidement parcouru le centre-ville à pieds

Il y a en effet un double sens dans l’expression « petit monde » que j’utilise pour qualifier Oxford. Il s’agit tout d’abord, on l’oublie souvent, d’une ville moyenne, dont on a rapidement parcouru le centre-ville à pieds. Après seulement un mois ici, il n’est désormais plus rare que je croise des camarades, sinon même certains de mes profs, dans la rue ou au supermarché. Les principales rues ont rapidement été identifiées, et c’est à présent l’impressionnante variété de bières qui reste à défricher, au cours de soirées et d’événements lors desquels je suis à peu près certain de retrouver des figures familières.

Mais Oxford est aussi un petit monde dans le sens où la planète entière y vient étudier, photographier, donner des cours ou de prestigieuses conférences, et se prendre en selfie devant les décors de « Harry Potter ». Renommée universitaire historique, expansion de la langue anglaise et passé d’Empire-sur-lequel-le-soleil-ne-se-couchait-jamais obligent, je compte parmi mes nouveaux amis des individus de nationalités rarement croisées dans l’Hexagone.

Mon collège se targue de compter quatre-vingt-dix nationalités différentes parmi ses élèves. Mon master d’African Studies, compte des camarades du Zimbabwe, du Nigeria ou d’Ouganda. Mes colocs sont venues étudier depuis la Mongolie et le Sri Lanka et j’ai (piètrement) joué un match de foot dimanche dernier contre l’association des Sud-Coréens, manifestement assez nombreuse pour former un « onze » rudement compétitif. Enfin, j’ai eu l’occasion d’apercevoir, au cours de l’impressionnante cérémonie de matriculation – lors de laquelle la vice-chancelière nous proclame étudiants de ce lieu –, la silhouette de Malala Yousafzai, nouvellement étudiante ici. A cette occasion, deux autres mondes se croisaient : sapés façon Rimbaud, les milliers d’étudiants étaient la cible de rafales de photos des touristes dont les vêtements semblaient futuristes en ces lieux.

L’une des associations étudiantes d’Oxford. / Noé Michalon via Campus

Une belle variété de points de vue

Cette diversité est incroyablement enrichissante et l’esprit de communauté très anglo-saxon l’encourage un peu plus, avec l’existence de dizaines de societies, des associations thématiques étudiantes. Outre les clubs de trampoline, de hockey subaquatique ou de pilotage d’avion (ça porte un nom compliqué que j’ai tôt fait d’oublier), on compte aussi des associations dédiées au bouddhisme, à l’Autriche, à l’Arménie, à « Doctor Who », au Népal ou même trois organisations pour Hongkong.

Une telle variété de points de vue nourrit comme jamais les débats et enrichit les cours. Les classes que j’ai en fin de semaine rassemblent huit ou neuf étudiants autour d’un professeur, qui se contente en général, en bon maïeuticien, de lancer quelques sujets de débat qui portent en eux les germes de conversations passionnées.

Les pavés résonnent de tous les idiomes, avec une sacrée proportion de français, en cette période de vacances de la Toussaint. Les touristes viennent compléter un patchwork déjà bien coloré, et l’imposant centre commercial de Westgate accueille une foule compacte avec ses Starbucks, Marks & Spencer, Primark et autres marques mondiales. En plus d’être un petit monde, Oxford est aussi une petite ville-monde.

Noé Michalon à l’issue de la cérémonie.