Documentaire sur France 5 à 20 h 50

[TEASER] Adoption, je t'aime... moi non plus
Durée : 02:00

La difficulté d’être parent, ou celle d’aimer son enfant, a mis du temps avant de pouvoir s’exprimer. Pour les parents adoptifs, cependant, la confidence demeure ­taboue, parfois même inaudible, voire scandaleuse. Et ce, parce que ces pères et ces mères qui ont été soumis à une évaluation psychosociale avant de recevoir un agrément – le feu vert à l’adoption – ont été en quelque sorte estampillés solides et « aptes ».

C’est en cela que le documentaire de Stéphanie Malphettes bouleverse, par la parole qu’il libère, empreinte encore de culpabilité mais franche, émouvante et dure, loin de l’image parfaite de la famille idéale. « J’ai vraiment pensé un moment qu’on avait gâché notre vie », confie Paulette, la mère adoptive de Grégoire. « Un jour, dans le bain, j’ai serré le cou de ma fille », avoue Nathalie, mère adoptive de Sonia, qui a longtemps pensé ne pas être une bonne mère, « jusqu’au jour, dit-elle, où j’ai compris que pour ma fille, m’aimer moi, c’était ne plus aimer sa mère. Quand j’ai pris conscience qu’elle était dans ce ­conflit de loyauté, j’ai enfin réussi à me dire que ce n’était pas ma faute ».

Sonia et sa mère Nathalie / Morgane Productions

Pour tous, le chemin a été long avant que s’apaisent les émotions, que les uns et les autres s’apprivoisent, que des solutions soient trouvées pour se rapprocher, ou s’éloigner. Car parfois, la « greffe » ne prend pas. L’enfant, chargé de trop de souffrances, a besoin d’être placé. Comme pour Claudia et Louis et leur fille adoptive, victime jusqu’à l’âge de 6 ans, en Colombie, de maltraitances psychologiques et physiques de la part de sa mère.

« Bleus à l’âme »

L’adoption est en effet, ainsi que le précise en préambule la voix off, « une histoire délicate que chacun entame avec ses bleus à l’âme. Une histoire de cœur mais une histoire que l’amour ne suffira pas à écrire ». Du côté des parents, il n’est pas aisé de se ­confronter à un enfant dont la vie a commencé par l’abandon. Avec ce que cela charrie : sentiment de ne pas valoir la peine d’être aimé, crainte d’être de trop, d’être à nouveau laissé. Des douleurs enfouies qui, si elles n’apparaissent pas tout de suite, peuvent se manifester par des crises de ­désespoir, de colère ou du rejet. « Je ne voulais pas être leur chose, car leurs raisons n’étaient pas les bonnes, dit Barbara, adoptée à 4 ans au Chili. Je voulais que ce soit eux qui me disent merci puisque j’étais ­l’enfant que la nature ne leur avait pas donné. Je me disais “ils font ça pour eux, en fait, pas pour moi’’. »

Sacha (de profil) et Dimitri / Morgane Productions

Pour les enfants aussi il s’agit d’adopter, et de tenter d’aimer ceux qui ont, certes, tendu la main mais aussi, arraché à d’autres liens, fussent-ils ceux de l’orphelinat, à des racines et à une histoire passée. « Avoir été abandonné est une douleur, une cicatrice. L’adoption, c’est quelque chose que tu vivras, quoi qu’il arrive, toute ta vie. C’est aussi oublier une partie de soi-même », constate Dimitri, adopté à 18 mois en Bulgarie. « En grandissant, on nous dit que nos parents ne sont pas les vrais. C’est donc bien qu’on est dans un mensonge : on veut qu’on soit dans ces deux vies alors qu’on n’en a qu’une », souligne Barbara qui, aujourd’hui, n’envisage pas que ses parents soient autres que ses parents adoptifs. Comme tous ceux qui témoignent dans ce documentaire.

Adoption, je t’aime… moi non plus, de Stéphanie Malphettes (Fr., 2017, 70 min).