En Ouganda, le débat sur la réforme de la Constitution destinée à supprimer l’âge limite (75 ans) des candidats à la présidentielle bat son plein. Et le dernier coup d’éclat des opposants au projet de révision a eu lieu au Parlement, à Kampala, mercredi 25 octobre. Six députés de l’opposition se sont présentés avec des sacs pleins de billets pour critiquer l’octroi à chaque parlementaire d’une somme importante destinée officiellement à mener des « consultations » dans leurs circonscriptions… mais considérée par certains comme une forme de corruption.

Assis devant d’impressionnantes liasses de billets, tout de rouge vêtu et portant une toque de même couleur – devenue le symbole de l’opposition au projet de réforme –, Ibrahim Ssemuju, le meneur des députés hostiles au projet, a dénoncé lors d’une conférence de presse le fait que chaque député ait reçu quelque 7 000 euros pour « frais de fonctionnement ». « Il n’y a absolument aucun doute que cet argent a été envoyé par [le président] Museveni pour influencer notre position sur l’abrogation [de l’âge limite] dans la Constitution », a-t-il indiqué.

Sur mesure

Cette réforme, taillée sur mesure pour Yoweri Museveni – officiellement âgé de 73 ans, il serait disqualifié pour l’élection de 2021 si la Constitution restait en l’état –, pourrait ne pas être simple à faire passer. Car les députés du Mouvement national de résistance (NRM, au pouvoir) ne se bousculent pas pour la défendre, et certains d’entre eux ont même clairement pris position contre et ont rejoint les rangs de l’opposition.

Le gouvernement a besoin de 290 députés physiquement présents (les deux tiers du Parlement) pour adopter le projet de loi. La porte-parole du groupe NRM, Margaret Muhanga, a affirmé au quotidien The Observer avoir reçu l’assurance de 320 députés, mais elle dénonce les parlementaires de l’opposition qui auraient « reçu de l’argent des ONG pour désorganiser [son] camp ». Une accusation de partialité qui a déjà valu à plusieurs organisations, comme ActionAid et l’Institut d’études stratégiques des Grands Lacs (Gliss), de voir leurs bureaux perquisitionnés et leurs comptes récemment gelés.

Mais l’explication d’une telle fronde est plus sûrement à trouver dans un sondage mené en septembre par l’institut Hatchile Consult pour l’institut Afrobaromètre. On y apprend que plus de 75 % des Ougandais sont contre la révision de la Constitution, une conviction partagée par près de 67 % des adhérents du parti présidentiel. De quoi faire réfléchir fortement les députés, qui devront rendre des comptes devant leurs électeurs.

Bagarre générale

D’ores et déjà, le gouvernement a réussi le tour de force de remettre en selle le Forum pour le changement démocratique (FDC, opposition), jusque-là divisé par une interminable querelle de leadership. C’est justement alors qu’il revenait d’un meeting de soutien à un député de ce parti en pleine ascension, Patrick Amuriat, que Kizza Besigye, l’opposant historique, a été arrêté, la semaine dernière, pour « incitation à la violence ». Le meeting, qui a donné lieu à une manifestation et à des affrontements avec les forces de l’ordre, a causé la mort d’au moins un manifestant, tué par balle. Libéré sous caution mercredi, Kizza Besigye a été de nouveau arrêté seulement cinq heures après.

Le vieil ennemi de Museveni n’est plus seul à porter la voix de l’opposition. Le très populaire Robert Kyagulanyi, député indépendant mieux connu sous son nom de chanteur de ragga, « Bobi Wine », a également eu l’occasion de faire parler de lui lors d’une bagarre générale au Parlement, fin septembre. Les images le montrant en position de boxeur ou évacué par la force ont depuis fait le tour du monde. Le « président du ghetto », comme il se surnomme, et d’autres députés ont depuis été victimes de menaces de mort et leurs habitations ont fait l’objet d’attaques à la grenade.

En Ouganda, une séance au Parlement tourne au pugilat
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