L’administration Trump se dirige, selon le magazine Forbes, vers un déficit de croisière proche de 1 000 milliards de dollars, soit 5 % du produit intérieur brut. / Evan Vucci / AP

Avec l’adoption du budget fédéral, la voie s’éclaircit pour la grande réforme fiscale de Donald Trump, dont les détails doivent être présentés le 1er novembre. Un enjeu décisif pour le président et les Républicains, qui ont besoin d’un succès avant les élections de mi-mandat, en novembre 2018.

A la fin de l’été, l’équipe Trump était en lambeaux, après l’échec en juillet de l’annulation de la loi sur la santé Obama et le refus par le président de condamner l’extrême droite dans les incidents de Charlottesville (Virginie) lors du déboulonnage d’une statue sudiste.

Puis est venu l’ouragan de Houston (Texas), qui a permis à M. Trump de reprendre la main : au début de septembre, avec l’aide des démocrates, en échange d’une aide fédérale de 15 milliards de dollars aux victimes des ouragans, il a repoussé à la fin de l’année la querelle sur le plafond de la dette, qui atteint 20 000 milliards de dollars. Il a ainsi évité la fermeture des services fédéraux qui s’esquissait pour la fin de septembre.

Et en dix jours, M. Trump et les Républicains ont passé l’obstacle du budget pour 2018. Celui-ci a été approuvé jeudi 26 octobre à la Chambre des représentants, par une courte majorité de 216 voix contre 212, après avoir été voté par le Sénat la semaine dernière (51 voix contre 49).

Une clause qui permet d’augmenter la dette

Ce budget diverge profondément du projet adopté en première lecture, au début d’octobre. A l’époque, il fallait que chaque baisse d’impôt soit compensée par une économie ou la suppression d’une niche fiscale. Le Sénat a torpillé cette exigence et a adopté une clause qui permet d’augmenter la dette des Etats-Unis de 1 500 milliards sur dix ans.

Un revirement idéologique majeur : les Républicains pourchassaient jusqu’à présent les déficits, qui ont atteint 666 milliards de dollars (en hausse de 80 milliards et supérieur à 3 % du PIB) pour l’exercice clos en septembre 2017, alors que le rythme de croissance est supérieur à 3 %. L’administration Trump se dirige, selon le magazine Forbes, vers un déficit de croisière proche de 1 000 milliards de dollars, soit 5 % du produit intérieur brut. Ce relâchement permet de se donner des marges de manœuvre pour baisser les impôts.

La réforme vise à simplifier le code des impôts et à baisser les taux d’imposition pour les entreprises et les ménages, afin de rendre l’économie américaine plus compétitive et lui permettre d’embaucher et d’augmenter les salaires. Elle est inspirée des réformes de Ronald Reagan dans les années 1980.

Les Républicains s’accordent pour réduire de 35 % à 20 % le taux de l’impôt sur les sociétés ; ils saluent l’idée de réduire de sept à trois les tranches d’imposition sur le revenu (35 %, 25 %, 12 %), avec la possibilité d’un taux marginal supplémentaire, mais ils se déchirent sur l’indispensable suppression des niches, les baisses d’impôt annoncées dépassant les 2 000 milliards, bien au-delà de 1 500 milliards autorisés.

En théorie, les voix républicaines suffiront

Ces divisions peuvent mettre en péril la réforme, même si la loi pourra être adoptée selon une procédure accélérée et à la majorité simple. En théorie, les voix républicaines suffiront tant au Sénat qu’à la Chambre.

M. Trump et les Républicains vont devoir déminer au moins trois sujets explosifs. Le premier concerne la déductibilité des cotisations aux plans d’épargne retraite — le plan 401 (k) — qui pourrait tomber à 2 400 dollars par an, contre 18 000 dollars aujourd’hui (24 000 pour les plus de 50 ans). Leur taxation est jugée contre-productive dans un pays incapable d’épargner. Après avoir promis de ne pas toucher pas à ces déductions, Donald Trump louvoie et explique désormais qu’il pourrait « peut-être utiliser cela pour négocier ».

Deuxième pomme de discorde, la possibilité de déduire de son revenu fédéral les taxes payées aux Etats et aux municipalités. Ces impôts peuvent atteindre 15 % du revenu dans la ville de New York. La suppression de cette niche, qui rapporterait 1 300 milliards sur dix ans, affecterait les contribuables des Etats les plus socialisés, comme la Californie, le New Jersey et l’Etat de New York. Cette crainte explique qu’une vingtaine de représentants républicains originaires de ces Etats n’aient pas voté jeudi le budget.

Enfin, il faudra s’entendre sur l’impôt des plus riches, alors qu’une taxe foncière visant les propriétés de plus de 5 millions de dollars et un impôt forfaitaire minimal seront supprimés. « Ce ne sont que des baisses d’impôt pour les riches. Ce n’est pas une réforme fiscale », a commenté la cheffe de l’opposition démocrate à la Chambre, Nancy Pelosi.

Une quatrième tranche d’imposition symbolique, au-delà de 35 % mais inférieure au taux maximal actuel de 39,6 % pourrait être créée. Mais le vote serré du budget à la Chambre, alors que les Républicains ont 239 sièges contre 194 aux démocrates, montre que la majorité n’est pas encore acquise.