Et les actions gratuites distribuées en entreprise firent irruption dans l’Hémicycle, jeudi 26 octobre, réveillant une assemblée qui menaçait de s’assoupir. Les députés venaient péniblement d’adopter l’article 8 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), actant la transformation en 2019 du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisations patronales. La question est arrivée par l’intermédiaire d’un amendement déposé par des élus de La République en marche (LRM) et a soulevé l’ire de députés de gauche, rejoints sur la forme par certains de leurs homologues de droite.

Cet amendement vise à alléger la fiscalité qui régit l’attribution d’actions gratuites dans une société. Il ramène à 20 % la cotisation patronale, contre 30 % auparavant, sachant que ce taux est nul pour les PME n’ayant jamais versé de dividendes. « Une telle mesure renforcerait le message positif que cette majorité souhaite porter à l’égard des acteurs économiques de premier plan que sont les entreprises », a vanté Olivia Grégoire, porte-parole du groupe LRM.

Ce sujet avait déjà fait débat sous le quinquennat précédent. En 2015, la loi Macron pour la croissance et l’activité avait abaissé à 20 % la fiscalité sur les actions gratuites. A l’époque, l’objectif défendu était de favoriser le développement des start-up en leur permettant d’attirer par ce biais des collaborateurs. Mais ce dispositif a aussi eu pour effet de doper leur distribution dans les grandes entreprises. Cette même année, l’octroi au PDG de Renault, Carlos Ghosn, d’une rémunération de 7,2 millions d’euros, constituée à 60 % par ce type d’actions, avait fait grand bruit. En 2016, un amendement au projet de loi de finances pour 2017, déposé par des députés socialistes, avait remonté ce taux à 30 %. Le député de la Charente, Thomas Mesnier, et ses collègues de LRM entendaient donc revenir à la situation antérieure.

« La récréation continue »

Inacceptable pour plusieurs élus de gauche, qui ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme un cadeau fait aux grandes entreprises. « Après la liquidation du code du travail, après le vote d’un budget pour les riches, la récréation continue », s’est insurgé Adrien Quatennens, député de La France insoumise (Nord), qui a demandé, comme d’autres, des précisions sur le manque à gagner pour l’Etat, qui n’était pas chiffré.

Après un certain flottement, Mme Grégoire a finalement avancé la somme de 100 millions d’euros après impôt sur les sociétés. « On va s’arrêter où ?, s’est indignée la socialiste Valérie Rabault, ancienne rapporteuse générale du budget. Je sais que vous avez choisi votre camp mais nous aussi ! »

Ces députés ont été rejoints par des élus de droite qui ont aussi dénoncé la forme. « En commission des affaires sociales, personne n’a jamais vu cet amendement », a souligné Jean-Pierre Door, député Les Républicains (Loiret) et vice-président de ladite commission. Plusieurs ont plaidé pour reporter cette mesure. « La sagesse serait au minimum de se donner un peu de temps, a jugé Pierre Dharréville, député communiste des Bouches-du-Rhône. Pourquoi vous précipiter de la sorte ? » « C’est un sujet bien connu, amplement débattu, mais qui relève maintenant d’un choix politique », leur a répondu Olivier Véran, rapporteur général (LRM) du PLFSS.

Après plusieurs suspensions de séance, certains ont menacé de quitter l’hémicycle au moment du vote. « Devant ce grand moment de démocratie, nous vous laissons entre vous et nous ne participerons pas à cette mascarade », a protesté Jean-Paul Dufrègne, député communiste de l’Allier. « Ça commence à tourner en eau de boudin », a également déploré Jean-Pierre Door (LR), qui a fini par demander et obtenir la convocation en urgence de la commission des affaires sociales. Au retour des députés, l’amendement a finalement été adopté par 80 voix pour, 20 contre et 20 abstention.