Lors de son annonce, Donald Trump a partagé l’histoire de son grand frère décédé Fred, qui avait un problème avce l’alcool. / CARLOS BARRIA / REUTERS

A deux semaines du premier anniversaire de son élection à la Maison Blanche, Donald Trump a élevé jeudi 26 octobre l’épidémie de dépendance aux opiacés aux Etats-Unis comme une « urgence de santé publique ». Contrairement à ce qu’il avait promis pendant sa campagne électorale, il n’a pas émis de proclamation « d’urgence nationale ». Celle-ci aurait permis le déblocage immédiat de financements pour lutter contre un fléau qui a fait près de 60 000 morts en 2016 aux Etats-Unis, soit plus que les accidents de la route ou le SIDA au plus fort de l’épidémie.

Signant une proclamation à la Maison Blanche, le président américain a estimé que les Etats-Unis étaient confrontés à « la pire crise liée à la drogue de leur histoire ». « Nous pouvons être la génération qui met fin à la crise des opiacés », a-t-il déclaré, entouré par d’anciens toxicomanes, parents de victimes d’overdoses ou encore des médecins spécialisés. « Cela prendra plusieurs années, même des décennies, pour débarrasser notre société de ce fléau », a-t-il reconnu.

« Nous allons libérer notre pays de la terrible affliction des abus de drogue. »

En 2016, près d’un million d’Américains ont consommé de l’héroïne et 11 millions souffraient d’accoutumance aux opiacés obtenus sur prescription, a-t-il ajouté. La dernière proclamation d’urgence sanitaire publique remonte à la pandémie de grippe H1N1 en 2009.

Deux Etats ont porté plainte

Comme l’avait été le crack dans les années 80 pour la communauté noire, les opioïdes sont devenus l’emblème d’un malaise social. Celui des « petits blancs » laissés pour compte, dans les anciens bastions de l’industrie manufacturière, frappés par la mondialisation et l’automatisaton – régions qui forment le cœur de l’électorat de M. Trump.

Principal accusé, le Fentanyl, un tranquillisant de synthèse puissant, d’un potentiel équivalent à 100 fois celui de la morphine, que les patients se voient d’abord prescrire par leur médecin, avant de se le procurer auprès de pharmacies en ligne souvent illégales. Selon le dernier rapport du CDC (Centre de contrôle et de prévention des maladies), le nombre de décès liés à l’absorption de Fentanyl (20 100) a surpassé en 2016 ceux liés à l’héroïne (15 400) et aux opioïdes obtenus sur prescription médicale (14 400). Soit une augmentation de 450 % en trois ans. Le 45e président américain a fait savoir qu’il évoquerait avec son homologue chinois Xi Jinping la manière d’endiguer le flot de Fentanyl, pendant son voyage en Asie début novembre. Les contrôles postaux vont être renforcés pour « arrêter l’inondation de Fentanyl fabriqué en Chine », a-t-il annoncé.

Deux Etats – l’Ohio et le Mississippi – ont porté plainte contre cinq laboratoires pharmaceutiques, en leur reprochant d’avoir sous-estimé les effets secondaires des anti-douleurs – et le risque élevé de dépendance – dans leurs argumentaires auprès des médecins prescripteurs. Dans son discours, M. Trump a évoqué la possibilité que le gouvernement fédéral prenne la même initiative contre les fabricants.

L’absence de coordinateur fustigée par les démocrates

Deux mois après son investiture, le président avait nommé une commission bipartite d’étude sur la surconsommation d’opiacés. Le rapport de ces experts, publié en juillet, lui recommandait de déclarer ce phénomène comme urgence nationale. La Maison Blanche n’a pas suivi l’avis de la commission, jugeant inadéquat de recourir à un dispositif prévu pour les catastrophes naturelles, comme les ouragans ou les incendies. Selon elle, la proclamation de jeudi va permettre de réaffecter des crédits existants vers l’aide aux personnes souffrant d’accoutumance, en attendant le vote par le Congrès d’un supplément budgétaire. Elle va aussi autoriser un recours accru aux services de télémédecine, pour compenser la pénurie de médecins dans les Appalaches, la région la plus touchée.

S’ils se sont félicités de l’initiative de M. Trump, les démocrates relèvent que le financement est inexistant, contrairement aux promesses du président. Ils déplorent également que l’administration n’ait toujours pas de coordonnateur en charge de la crise. Le secrétaire à la santé, Tom Price, a dû démissionner le 29 septembre après avoir emprunté des avions payés par le contribuable pour des déplacements privés. M. Trump est également en « panne » de « tsar » anti-drogue. L’élu pressenti pour diriger l’ONDCP (Office of National Drug Control Policy), le représentant républicain de Pennsylvanie Tom Marino, s’est retiré le 17 octobre après avoir été accusé de conflit d’intérêts. A la Chambre, il avait pris le parti de l’industrie pharmaceutique contre la Drug enforcement agency (DEA), l’agence de répression du trafic de drogue.