Les « Cèdres » sont fiers de leurs racines, et ils ont bien raison : les joueurs de la sélection libanaise de rugby à XIII s’apprêtent à disputer une drôle de Coupe du monde. La plupart sont nés et vivent toujours en Australie, là- même où se tiendra la 15e édition de la compétition. Débuts prévus contre la France, dimanche 29 octobre (6 h du matin, heure française), sur la pelouse de Canberra.

Sur les vingt-quatre membres de la sélection, seul un s’entraîne à l’année au Liban. « Nos joueurs qui sont en Australie apportent leur connaissance du jeu. Sur le terrain, ils renforcent l’équipe et transmettent des compétences aux joueurs basés au Liban », explique au Monde Remond Safi, le directeur général de la Lebanese Rugby League Federation. Celle-ci se trouve aujourd’hui à Safra, entre Tripoli et Beyrouth, capitale de cette république frontalière de la Syrie et Israël.

Mais le rugby à XIII libanais, lui, est bien né en Australie. La communauté libanaise installée sur l’île a voulu représenter le pays de ses ancêtres dans ce sport aussi populaire aux antipodes que le cricket et l’« Australian football ». Premier match et première victoire en 1998, contre le Japon, à Tokyo. Puis première participation à la Coupe du monde, deux ans plus tard en France et en Grande-Bretagne, avec une élimination dès la phase de poule.

Le fait est, qu’aujourd’hui, les « Cèdres » contribuent aussi au développement de leur sport au Liban, un pays toujours en mal de succès sportifs : encore aucune médaille d’or décrochée aux Jeux olympiques. « Le rugby à XIII est maintenant probablement le troisième sport le plus actif au Liban derrière le basket et le football, veut croire Remond Safi. On a de plus en plus de popularité et de soutien, de plus en plus de gens savent ce qu’est notre sport. »

« Les genévriers » aussi

Le nombre de pratiquants progresse doucement. Près d’un millier de joueurs (hommes et femmes) est actuellement recensé au Liban. Cinq équipes à peine composent championnat masculin de première division, rappelle le site fédéral. Un championnat féminin existe aussi. Ses joueuses peuvent également participer à des matchs internationaux sous le maillot de la sélection nationale, mais sous un autre surnom : celui de « Junipers », soit « genévriers » en anglais.

Reste à convaincre les chaînes de télévision libanaises : « Nos chaînes n’ont pas confirmé » leur couverture de la Coupe du monde, précise Remond Safi, qui ajoute cependant que le diffuseur panarabe OSN Sports permettra aux supporteurs libanais de suivre les performances des Cèdres, qui, outre la France, affronteront ensuite deux favoris de la compétition : l’Angleterre, le 4 novembre… puis l’Australie, le 11 novembre, à chaque fois à Sydney..

Le budget de la Lebanese Rugby League Federation reste modique : entre « 300 000 et 400 000 dollars » pour une année sans Coupe du monde, jauge son dirigeant, soit entre 258 000 et 344 000 euros. Une somme émanant principalement de fonds privés. Au premier rang des sponsors figure la firme Chalouhi, basée en Australie : cette entreprise spécialisée dans la construction appartient à l’un des nombreux membres de la communauté libanaise locale, présente en Australie depuis le XIXe siècle alors qu’il s’agissait de quitter l’Empire ottoman.

Lebanon v Cook Islands 2016
Durée : 01:47:08

« Placer le Liban sur la carte du XIII »

Cette communauté s’est déjà distinguée dans divers domaines. La politique avec Nicolas Shehadie ou Marie Bashir, respectivement ancien de Sydney et ex-gouverneure de la Nouvelle-Galles du Sud. La littérature avec David Malouf. Mais aussi le sport, donc, avec ces joueurs de la sélection libanaise évoluant dans des clubs du championnat australien de rugby à XIII, la National Rugby League, le plus relevé au monde.

Ces joueurs reviennent « au moins une fois par an au Liban » pour s’y entraîner, précise Remond Safi. Des séjours appréciés, insiste le joueur Tim Mannah, international libanais de 29 ans, né à Sydney : « Je veux en savoir plus sur les villages d’où viennent mes parents, sur leur histoire, leur éducation, explique le joueur des Parramatta Eals à la radio australienne « SBS ». Et je pense que c’est vraiment une magnifique occasion de représenter le Liban et de le placer sur la carte du rugby à XIII. »

Le capitaine de la sélection libanaise, Robbie Farah, joue lui pour le club de South Sydney. Et il espère aussi pouvoir inspirer certains jeunes supporteurs du Liban en Australie, leur « permettre de vraiment rêver, de grandir, et de trouver un chemin pour faire quelque chose de leur vie. Et le rugby à XIII peut être l’une de ces voies. » Le XIII de France, première équipe que le Liban croisera sur son chemin cet automne, est prévenu.