Sur les chantiers STX de Saint-Nazaire, en juillet 2017. / DAMIEN MEYER / AFP

Un bon vent souffle décidément sur l’économie française. Pour le quatrième trimestre de suite, le produit intérieur brut (PIB) a nettement progressé. Après 0,6 % entre avril et juin, il a crû de 0,5 % entre juillet et septembre, selon les estimations de l’Insee publiées mardi 31 octobre. Un chiffre conforme aux prévisions des observateurs, qui misent sur une croissance de 1,7 % à 1,8 % pour l’année 2017. « Tous postes confondus, la dynamique d’ensemble est en effet plutôt solide, vertueuse et autoentretenue », observe Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas. Hors chocs extérieurs majeurs, il est probable qu’elle se maintienne, voire s’accélère.

Pour le gouvernement, qui bénéficie en différé des mesures prises sous le précédent quinquennat, la conjoncture est idéale. Elle l’est d’ailleurs depuis un moment. « Tous les ingrédients de la reprise étaient déjà là en 2015, mais il a fallu attendre que les vents contraires se dissipent », explique Mme Baudchon. Résultat : après huit ans de crise, le bâtiment est enfin sorti de l’ornière ; l’industrie et les services ont profité du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et du pacte de responsabilité pour regonfler leurs marges ; l’agriculture s’est remise des conséquences dévastatrices des intempéries de 2016 sur ses exportations ; le tourisme, enfin, est reparti, après deux années marquées par la crainte de nouveaux attentats.

Une meilleure conjoncture mondiale

Mais si l’embellie se confirme, c’est aussi parce que la conjoncture mondiale va mieux. « Cela fait dix ans qu’on n’a pas vu autant d’économies au diapason de la croissance », souligne Denis Ferrand, de COE-Rexecode, groupe de réflexion proche du patronat. Au rebond observé dans les pays émergents s’ajoute en effet la meilleure santé du Vieux Continent. Le Fonds monétaire international a ainsi revu à la hausse ses prévisions semestrielles pour la zone euro, rendues publiques à la mi-octobre. L’institution mise désormais sur une croissance de 2,1 % en 2017 et de 1,9 % pour 2018 (+ 0,2 point par rapport aux estimations de juillet pour l’une et l’autre).

La France se situe un peu en deçà des prévisions régionales, mais les bons chiffres de l’investissement des entreprises incitent à l’optimisme. Après avoir fléchi au deuxième trimestre sous le coup de la suppression de la mesure de suramortissement – dispositif fiscal qui permettait jusqu’en avril de déduire des bénéfices 40 % des sommes engagées dans l’appareil productif –, l’indicateur se maintient sur la fin de l’année. Il progresse de 0,9 % au troisième trimestre. Corrélé à un climat des affaires au beau fixe, il est toujours soutenu par des taux d’intérêt bas et par les facilités de financement dont bénéficient les sociétés.

La consommation des ménages en hausse

Autre point positif : les dépenses de consommation des ménages accélèrent en fin d’année. Tirées par les besoins en énergie, les achats de vêtements et de biens d’équipement, elles progressent de 0,5 %, malgré un léger rebond de l’inflation, qui s’établit à 1 % en septembre. L’investissement se maintient également à un bon rythme, même si les constructions de logements se tassent un peu. La baisse continue du moral des ménages depuis quatre mois – notamment concernant leur situation financière future – pourrait inquiéter, mais elle est contrebalancée par les bons résultats sur le front de l’emploi cette année. Le taux de chômage a, en outre, connu en septembre sa plus forte baisse depuis 2001.

« Le problème, c’est qu’une croissance tirée par l’investissement productif a par nature un contenu en importations élevé », relève Denis Ferrand. Un besoin d’autant plus fort que les industriels français peinent à satisfaire la demande intérieure. Conséquence : même si les exportations ont progressé au troisième trimestre (+ 0,7 %, après + 2,3 % au second trimestre), le déficit du commerce extérieur pèse sur les résultats français. En 2016, il avait coûté 0,8 point de PIB, et il devrait encore contribuer négativement à la croissance en 2017. Les économistes estiment que le commerce extérieur pourrait amputer la croissance de 0,3 à 0,5 point.

Pourtant, « la croissance française en a encore sous le pied », estime Hélène Baudchon, de BNP Paribas. L’écart entre le PIB réel et le PIB potentiel – celui que le pays atteindrait à moyen terme si ses capacités de production tournaient à plein régime – est encore négatif. Un effet rattrapage n’est donc pas à exclure. « La zone euro est dynamique et le commerce international se porte bien, il y a encore de la marge pour que ça s’améliore chez nous », insiste Marion Amiot, du cabinet de conseil Oxford Economics.

« L’emploi, c’est le nœud »

Les inquiétudes liées à l’évolution de la situation politique en Catalogne, ainsi que les aléas – turbulences boursières par exemple – entourant la mise en œuvre de la réforme fiscale voulue par Donald Trump aux Etats-Unis invitent toutefois à la prudence. On ignore également quel sera l’impact à court terme des mesures prises par l’exécutif en France sur la transformation de code du travail et l’évolution budgétaire. Leurs éventuels effets positifs n’interviendront pas avant 2019, selon les économistes.

Au reste, le retrait progressif des soutiens à l’activité de la Banque centrale européenne (BCE) pourrait également se traduire par une légère hausse des taux d’emprunt. Avec le risque que cela renchérisse le coût des crédits aux ménages, et pèse sur les finances publiques.

A court terme, le taux de chômage pourrait, lui, pâtir de la suppression progressive des emplois aidés. « Après la loi travail, on peut même s’attendre à une hausse des licenciements en 2018 », prévient Denis Ferrand. Entretenir le cercle vertueux dans lequel évolue l’économie nationale dépendra sans doute de la robustesse ou non du marché du travail. « L’emploi, c’est le nœud », veut croire Hélène Baudchon.

Au total, l’acquis de croissance – c’est-à-dire le niveau que le PIB atteindrait si l’activité ne progressait pas d’ici à la fin de l’année – atteignait fin septembre 1,7 % en France. L’Insee table déjà sur une croissance de 0,5 % pour le dernier trimestre 2017.