Emmanuel Macron à la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg, le 31 octobre. / Jean-Francois Badias/pool/Reuters

C’est peu dire que les juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont accueilli chaleureusement Emmanuel Macron, mardi 31 octobre. Pendant la campagne présidentielle, le candidat Macron avait déjà dit son attachement à la Convention européenne des droits de l’homme, puis il l’avait montré une fois élu président en recevant à l’Elysée, dès le 13 juin, Guido Raimondi, le président de la CEDH. Mardi, dans la salle d’audience solennelle de la cour, il l’a de nouveau affirmé.

Un symbole autant qu’un paradoxe, alors que la France a une nouvelle fois notifié, en juillet, au Conseil de l’Europe qu’elle dérogerait aux obligations de la Convention européenne des droits de l’homme en renouvelant l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre.

La France est le pays hôte de la CEDH, mais jamais un président de la République n’était encore venu pour s’y exprimer. Une indifférence, parfois prise pour du dédain par les membres de l’institution qui compte quarante-sept juges, autant que de pays membres du Conseil de l’Europe. La France a même attendu 1981 et l’arrivée de Robert Badinter au ministère de la justice pour autoriser les recours individuels devant la cour de Strasbourg.

Emmanuel Macron a plaidé dans un discours de plus d’une heure l’attachement de la France à ce dispositif de contrôle supranational du respect des droits de l’homme. Il a dit l’importance de « l’application inconditionnelle en France des arrêts de la cour », alors que certaines voix dénoncent une perte de souveraineté et aimeraient voir Paris se distancier de Strasbourg. Pour M. Macron, la « force de ce contrôle extérieur est un surcroît d’impartialité » et « une protection contre les tentations illibérales », en France comme en Europe.

Permettre aux Etats de solliciter l’avis de la cour

Le président français a également soutenu la légitimité de cette juridiction internationale en rappelant « le principe de subsidiarité », qui assure « aux juges nationaux d’être les premiers juges des droits de l’homme ». Surtout depuis que la cour a reconnu aux Etats signataires une marge nationale d’appréciation, comme le principe français de laïcité. Le chef de l’Etat a d’ailleurs promis la prochaine ratification d’un protocole additionnel qui permettra aux Etats de solliciter l’avis de la CEDH.

Mais c’est bien sûr les conditions dans lesquelles la sortie de l’état d’urgence a été organisée qu’il est venu plaider : « Les terroristes djihadistes veulent nous faire croire que la défense des droits de l’homme est notre talon d’Achille alors que c’est notre force », a-t-il assuré, ajoutant que les mesures du texte antiterroriste promulgué lundi 30 octobre sont « ciblées, proportionnées et exclusivement destinées à la prévention du terrorisme ».

Le président français s’est joué des critiques en renvoyant dos à dos ceux qui, à gauche, critiquent l’introduction dans le droit ordinaire de mesures inspirées de l’état d’urgence et ceux qui, à droite, reprochent au gouvernement de baisser la garde, sortant de ce régime dérogatoire au droit commun.

Faisant allusion aux lois sécuritaires qui se sont succédé sous le précédent quinquennat, il a vanté les mérites « d’un cadre appelé à durer, plutôt que de courir après chaque événement ». Cette loi prévoit une évaluation avant une éventuelle révision à la fin de 2020. Il souhaite rester comme le président qui aura réussi à « refermer la parenthèse de l’état d’urgence », alors qu’il a jugé son efficacité déclinante avec le temps.

Plusieurs dizaines de procédures contre la France

M. Macron en a profité pour exposer, prenant les juges à témoin, la façon dont il aborde deux sujets qui tiennent à cœur de la CEDH : le sort des migrants et celui des détenus. Deux « défis » qu’il entend relever et à propos desquels plusieurs dizaines de procédures engagées contre la France sont actuellement pendantes devant la juridiction internationale.

En accélérant les procédures pour les migrants, il souhaite à la fois permettre que les personnes demandant asile ne dorment pas à la rue, et reconduire plus rapidement aux frontières celles qui seraient déboutées.

Au sujet du mal « endémique » des prisons françaises, le président de la République a évoqué le « taux insoutenable de la surpopulation de 139 % » dans les maisons d’arrêt et la « statistique insupportable du nombre de détenus qui dorment sur un matelas au sol, 1 300 ». Au-delà de la construction de places de prisons, c’est au « statut de la peine » qu’il veut s’attaquer.

Il a confirmé la prochaine création d’une « agence nationale » pour le travail d’intérêt général « qui nécessite la participation active de la personne condamnée ». Selon lui, le fait que cette sanction ne représente que 7 % des peines prononcées n’est clairement pas assez.