La compagnie aérienne irlandaise Ryanair affiche un bénéfice net de 1,1 milliard d’euros au premier semestre 2017, selon les résultats annoncés mardi 31 octobre. / EMMANUEL DUNAND / AFP

Ryanair n’est décidément pas une entreprise comme les autres. La compagnie aérienne irlandaise a choisi d’utiliser la présentation de ses résultats semestriels, mardi 31 octobre, pour mener directement ses négociations salariales, en tentant de passer par-dessus les syndicats de pilotes. Le message porté par Michael O’Leary était typique du ton agressif habituel du controversé patron de Ryanair : « Nous ne serons pas intimidés par un syndicat de concurrents, et nous n’accepterons pas de [le] reconnaître. »

Ces derniers mois, Ryanair a été secoué par une grave crise. En septembre, la compagnie a dû annuler dans l’urgence 2 100 vols sur deux mois, avant d’annoncer qu’elle allait garder au sol 25 de ses appareils entre novembre et mars. Au total, 700 000 clients ont été affectés.

Ryanair souligne qu’il s’agit d’une goutte d’eau par rapport aux 129 millions de passagers qu’elle transporte chaque année et qui en font la première compagnie aérienne d’Europe. Le problème a pourtant mis à mal l’un des deux grands piliers de son succès : des prix bas mais aussi une très forte ponctualité et fiabilité.

Des contrats inhabituels

Officiellement, la panique a été provoquée par une mauvaise gestion des vacances des pilotes, à la suite d’un changement réglementaire. En réalité, l’affaire révèle la profonde grogne qui règne dans le groupe. « Les pilotes travaillent beaucoup plus dur que dans la plupart des autres compagnies aériennes, ils sont proches de la limite réglementaire de 900 heures de vol par an », souligne John Strickland, analyste à JLS Consulting.

Leurs contrats sont aussi inhabituels : plus de la moitié des 4 200 pilotes ne travaillent pas directement pour la compagnie aérienne, mais sont employés via des agences, parfois via une cascade de deux ou trois intermédiaires.

« Les pilotes ont vu cette crise comme un moment historique pour améliorer leurs conditions de travail », explique M. Strickland. M. O’Leary a répliqué de façon très directe : il a offert une augmentation de salaire, mais refuse de reconnaître le syndicat de pilotes, qu’il estime noyauté par ses concurrents. Les pilotes de l’aéroport londonien de Stansted, la plus grande base de Ryanair, ont refusé cette offre début octobre. Certains ont rejoint la concurrence, notamment Norwegian Airlines.

Un bénéfice net de 1,1 milliard d’euros au premier semestre

Mardi, Ryanair assurait qu’il ne manquait pas de pilotes, ayant embauché 700 nouvelles recrues depuis le début de la crise. Dans une menace à peine voilée, M. O’Leary rappelle les faillites récentes d’Air Berlin, de Monarch et d’Alitalia et parle d’un « flot de candidatures » venant de ces compagnies aériennes. Il publie aussi un tableau comparatif des salaires : 156 000 euros par an pour les pilotes de Ryanair, contre 128 000 euros pour ceux de Norwegian, d’après lui.

Le tout devrait quand même augmenter les coûts de la compagnie aérienne de 100 millions d’euros par an. Un choc que l’entreprise peut encaisser : elle possède de loin la plus forte marge des compagnies aériennes d’Europe, avec un bénéfice net de 1,1 milliard d’euros au premier semestre. Mais le bras de fer avec les pilotes n’est pas terminé.