Après l’attentat revendiqué par l’Etat islamique contre le musée du Bardo, à Tunis, qui avait fait 22 victimes, dont quatre Français, le 18 mars 2015. / SOFIENE HAMDAOUI/AFP

Déjà renvoyé de juillet à octobre, le procès de l’attentat du Bardo qui avait fait 22 morts en mars 2015 a été à nouveau reporté, mardi 31 octobre, à l’issue d’une audience de deux heures qui s’est tenue à Tunis, en présence de plusieurs avocats français ayant fait le déplacement depuis Paris. Le juge a fixé au 9 janvier 2018 la prochaine audience de ce procès hors normes.

Le 18 mars 2015, deux jeunes djihadistes tunisiens avaient fait irruption au musée du Bardo, haut lieu du tourisme dans la capitale tunisienne, avant de tuer vingt et un touristes, dont quatre Français, et un policier. Six autres français avaient été blessés. L’attaque, revendiquée par le groupe Etat islamique (EI), avait été la première action d’une telle ampleur de l’EI en Tunisie. Elle fut suivie, trois mois plus tard, par une autre attaque contre une station balnéaire près de Sousse. Cette fois, 38 touristes étrangers, dont 30 Britanniques, avaient été tués.

« Sentiment d’abandon »

La demande de report a notamment été portée par les avocats des parties civiles. « Ce que nous demandons, c’est de pouvoir participer au procès et cela implique plusieurs garanties », martèle Me Gérard Chemla, représentant une trentaine de victimes.

Depuis le début, l’enquête sur la tragédie du Bardo fait l’objet de nombreuses critiques. Les avocats des victimes et de leurs familles se plaignent du délai nécessaire pour avoir connaissance des avancées de l’enquête tunisienne et pointent « un sentiment d’abandon » de leurs clients. En Tunisie, plusieurs suspects, qui ont déclaré avoir subi de mauvais traitements, ont dû être libérés par la justice à l’été 2015. S’y ajoutent des griefs d’ordre politique. Le juge d’instruction chargé de l’enquête, Béchir Akremi, nommé depuis procureur de la République, a été accusé par certains de ses détracteurs d’avoir des sympathies islamistes.

« C’est un procès extrêmement lourd à organiser pour n’importe quel pays, et encore plus pour la Tunisie », reconnaît Me Chemla. Le pays, théâtre d’une révolution en 2011, a dû reconstruire une partie de son édifice institutionnel. Sans compter que, conformément à la loi tunisienne, la justice a dû mener l’instruction en quatorze mois, durée maximale de la détention provisoire, sous peine de devoir libérer certains accusés. « Un délai extrêmement court », souligne l’avocat.

20 000 pages de dossier

La demande de report était notamment portée par les avocats des parties civiles qui veulent voir assurer aux victimes et à leurs familles des conditions décentes de participation au procès. « Lors de cette audience, une traduction en français était prévue. Cela montre que la justice tunisienne veut faire l’effort de nous inclure, mais ce n’est pas suffisant, souligne l’avocat. A l’heure actuelle, nous ne recevons aucun soutien financier, ni de la part de l’Etat français, ni de la part de l’Etat tunisien, que ce soit pour l’aide légale ou pour les déplacements. »

Les avocats demandent aussi à ce que les victimes françaises puissent être présentes au procès. L’option privilégiée serait la mise en place d’un système de transmission par visioconférence leur permettant d’y assister à distance. Un dispositif qui implique un défraiment pour les personnes présentes contraintes de s’absenter de leur travail pendant plusieurs semaines.

« Notre troisième demande, conclut Me Chemla, est d’obtenir une copie complète du dossier en français. Pour l’instant, nous n’avons reçu que 2 000 pages sur les 20 000 existantes. »