L’avis du « Monde » – on peut éviter

Les passions humaines sont la matière première de la fiction. Lorsqu’elles sont frauduleuses, violentes et avérées, elles confèrent à l’œuvre qui s’en inspire une aura singulière, un frisson particulier. Fort de son passé dans la police judiciaire et les renseignements généraux, le transfuge cinématographique Olivier Marchal se réclame de cette aura singulière. Le paradoxe est qu’il ne parvient guère à en faire profiter ses films pour la simple raison que ceux-ci semblent davantage influencés par l’imaginaire bigger than life du cinéma américain que par le travail qui fut le sien.

Aigrefins séfarades

Carbone en est un nouvel exemple. D’autant plus qu’il est directement inspiré par l’incroyable saga de l’arnaque à la TVA sur le marché de la taxe carbone. Cette carambouille, réalisée en quelques clics d’ordinateurs par la création de sociétés fictives ouvrant droit à l’avance de la TVA par l’Etat, permit à un réseau d’escrocs, pour la plupart séfarades, de perpétrer en 2008 le casse du siècle (l’affaire coûta 1,6 milliard euros à la France, 8 milliards à l’Europe environ). Là-dessus, Olivier ­Marchal brode une fable où les ­connaisseurs de l’affaire reconnaîtront certains modèles. Benoît Magimel y interprète Antoine Roca, un industriel mis sur la paille par le fisc (si, si !), auquel son richissime beau-père (Gérard Depardieu, qui éprouve la limite de son talent en chef de famille juif) et sa propre femme vouent un mépris sans bornes. Il va pourtant se relancer en inventant la carambouille sur la taxe carbone. Pour ce faire, il s’associe, d’une part, avec des aigrefins séfarades et s’adosse, d’autre part, à un gang de voyous arabes. Mal lui en prend, naturellement.

C’est en même temps ici que les choses se compliquent pour le film. Car à la noirceur toujours trop ostentatoire des films d’Olivier Marchal (le vice est partout) s’ajoute, ici, quand bien même le sujet y obligerait, une ethnicisation du propos qui le met sur une pente glissante. On est en tout cas très loin du spécialiste du genre, Alexandre Arcady, qui faisait du polar pour parler de gens qu’il aimait malgré tout. Olivier Marchal utilise, quant à lui, le genre pour clouer au pilori l’humanité tout entière, et plus spécialement dans ce film des catégories bien spécifiques de ladite humanité. En mettant son propos à plat, l’histoire serait celle d’un (bon ?) chrétien désireux de se refaire, mais tour à tour victime de l’âpreté de l’Etat à l’égard des honnêtes entrepreneurs, du mépris arrogant de sa propre famille juive qui déprécie son sens des affaires, de la vanité stupide des escrocs séfarades avec lesquels il est en cheville, enfin, de la psychopathie d’un voyou arabe. C’est peu dire que le tableau aurait gagné à la nuance.

CARBONE - Bande-annonce [Olivier Marchal, Benoît Magimel]
Durée : 02:11

Film français d’Olivier Marchal. Avec Benoît Magimel, Gérard Depardieu, Laura Smet, Michaël Youn (1 h 45). Sur le Web : www.unifrance.org et www.facebook.com/carbone.lefilm

Les sorties cinéma de la semaine (mercredi 1er novembre)

Nous n’avons pas pu voir

  • Daddy Cool, film français de Maxime Govare
  • Geostorm, film américain de Dean Devlin et Danny Cannon
  • Jigsaw, film américain de Michael et Peter Spierig
  • Milieu, documentaire français de Damien Faure
  • The Secret man, Mark Felt, Film américain de Peter Landesman