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La Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cémac) a « pris acte », mardi 31 octobre, de la ratification par tous les Etats membres de l’accord de 2013 sur la libre circulation des personnes dans la sous-région. Cette annonce met fin à des négociations laborieuses débutées il y a plus de quinze ans.

Les chefs d’Etat de la Cémac, réunis en sommet extraordinaire à N’Djamena, ont aussi décidé d’« autoriser » la Banque de développement des Etats d’Afrique centrale (BDEAC) à débloquer 1,7 milliard de francs CFA (2,6 millions d’euros) pour « accompagner l’application de la libre circulation », selon le communiqué final du sommet.

« Passeport Cémac »

Les six pays de la Cémac (Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad), dont la monnaie commune est le franc CFA, représentent un marché de 30 millions de consommateurs, dont une grande partie vit dans la pauvreté.

La question de la libre circulation est sur la table depuis des années en Afrique centrale : en 1972, l’ancêtre de la Cémac avait déjà acté la libre circulation des personnes, sans qu’elle ne soit appliquée.

En 2000, à la création de la Cémac, l’idée d’un « passeport Cémac » avait été avancée puis décidée sans jamais aboutir. Les négociations sur la libre circulation, laborieuses, ont depuis continué à chaque sommet de la Communauté, mais elles ont longtemps achoppé en raison des refus de la Guinée équatoriale et du Gabon, pays pétroliers peu peuplés et relativement prospères craignant une immigration massive.

Fin octobre, la Guinée équatoriale, le Gabon, le Congo et la Centrafrique ont finalement entériné la suppression des visas pour les ressortissants de la Cémac. Le Tchad avait accepté début août de ratifier l’accord. De son côté, le Cameroun applique le principe de « réciprocité » autorisant la libre entrée sur son territoire de ressortissants dont le pays a appliqué l’accord.

« Il y a des vraies craintes par rapport à cet accord, mais il est du devoir des Etats de la sous-région de les surmonter », a déclaré Alain-Claude Bilie By Nze, porte-parole du gouvernement gabonais. « Il y a trois éléments majeurs [à respecter dans l’application de cet accord] : la mise en place d’instruments biométriques, la coordination des services de police et de sécurité des Etats de la sous-région et le respect de la réglementation du travail. »

Enjeu de taille

La Guinée équatoriale et le Gabon, qui s’étaient déjà engagés le 17 février à donner leur accord sur la libre circulation des personnes dans la région, avaient déjà conditionné cet accord à la mise en place de pièces d’identité biométriques. Mais l’accord n’a jamais été mis en place au Gabon. La Guinée équatoriale avait fait volte-face peu de temps après.

« J’espère que cette décision va faire changer les choses, on avait beaucoup de dérangements liés aux polices et aux douanes avant », raconte Evelin, chauffeur routier qui fait chaque semaine la route entre le Cameroun et la Centrafrique.

Fondée en juin 2000 à Malabo, la Cémac réunit des pays aux revenus très différents et peine à mettre en œuvre des mécanismes d’intégration économique et monétaire. Beaucoup d’accords ont déjà été annoncés par le passé, sans qu’ils ne soient appliqués par la suite (compagnie aérienne commune Air Cémac, passeport commun…).

La libre circulation des personnes et des biens est un enjeu de taille en Afrique alors que le commerce intra-africain reste encore peu développé.