Huang Hongxiang à Hongkong. / Richard Ladkani

Il n’a pas 30 ans, mais maîtrise déjà tous les codes de la communication. Avec un débit aussi rapide que son intelligence, Huang Hongxiang explique les raisons qui l’ont poussé à créer China House (« maison chinoise »). Cette première ONG chinoise en Afrique est installée au Kenya depuis deux ans et accueille chaque année plusieurs dizaines de jeunes chercheurs asiatiques, des militants écologistes et des experts chargés de contribuer à un meilleur dialogue entre la Chine et l’Afrique.

« Les Chinois ne croient pas aux discours des ONG et des médias internationaux, surtout quand ils sont occidentaux, explique ce jeune journaliste originaire de Shantou, dans la province du Guangdong. Ils ne font pas confiance à ceux qui critiquent la Chine et pointent notamment le trafic d’ivoire. C’est la raison pour laquelle je crois qu’une ONG chinoise peut aider à leur ouvrir les yeux sur les excès et les activités illégales de certains Chinois sur le continent. »

« Incompréhension entre Chinois et Africains »

L’un de ses premiers combats a en effet été de dénoncer le trafic d’ivoire. Plus de 70 % de l’ivoire de contrebande africain part à destination de la Chine. Les interdictions, les contrôles et les campagnes médiatiques n’ont, selon lui, pas beaucoup d’impact sur le terrain. « Je ne crois pas que des campagnes médiatiques basées sur la morale peuvent fonctionner. La plupart des trafiquants chinois sont d’anciens ouvriers ou de petits commerçants souvent sans éducation installés en Afrique. Ils ne se sentent pas concernés par les discours des grandes ONG internationales. Les jeunes Chinois sont quant à eux davantage concernés par la cause animale et l’écologie et je pense qu’ils doivent servir de médiateurs, de pont, entre la Chine et l’Afrique. »

Après une série de conférences données à Hongkong, à Pékin et à Shanghaï, Huang reprend l’avion pour la Namibie. Sur place il va accompagner une équipe de jeunes chercheurs chinois afin de les sensibiliser aux réalités locales.

Cette année, son ONG a ainsi travaillé en collaboration avec l’organisation américaine Humane Society International pour lancer une campagne à destination des expatriés chinois en Afrique afin de lutter contre le trafic d’ivoire. L’objectif de Huang et de ses équipes est d’impliquer les entreprises chinoises dans cette mobilisation médiatique, mais « elles restent encore très réticentes pour la plupart à financer des programmes de responsabilité sociale et environnementale (RSE) en Afrique », admet-il.

C’est en 2013 que Huang Hongxiang est tombé amoureux du continent. A l’époque, il bénéficie d’une bourse d’étude de trois mois en Afrique du Sud. C’est à ce moment-là qu’il prend conscience de l’importance de la relation Chine-Afrique.

« J’ai croisé de très nombreux Chinois pendant mon séjour et j’ai immédiatement été frappé par l’incompréhension qui règne entre les Chinois et les Africains. Les entreprises chinoises veulent travailler en Afrique comme elles le font en Chine, mais ça ne peut pas fonctionner ainsi. On les accuse souvent de ne pas respecter leurs employés locaux, mais la réalité c’est d’abord une absence de compréhension des réalités locales, du rôle des médias, par exemple, des interactions avec la société civile ou de la protection de l’environnement. »

« Corps de la paix »

La « maison chinoise » de Huang Hongxiang est d’abord une succession de pierres posées. Des initiatives très ciblées, des conférences, des voyages d’études et parfois le soutien de grandes entreprises.

Ainsi, au Kenya, il a lancé ce concours de jeunes entrepreneurs africains dont les projets pourront être soutenus et financés par le géant de l’aéronautique chinois, le groupe Avic. « Je crois beaucoup à ce type d’initiatives très locales et pragmatiques », explique-t-il.

Mais son projet le plus ambitieux qui pourrait voir le jour dès cette année concerne la création d’un « corps de la paix » chinois sur le modèle du programme américain PeaceCorps.

« Notre objectif est d’envoyer beaucoup de jeunes Chinois en Afrique qui pourraient contribuer au développement du continent, mais aussi permettre une meilleure compréhension mutuelle. En Chine, l’image de l’Afrique est très mauvaise. Elle est synonyme de guerres, de maladies, de pauvreté. Beaucoup de Chinois ne voient dans le continent africain qu’un seul et même pays. Nous avons donc encore un très gros travail pour améliorer l’image de l’Afrique en Chine et l’image de la Chine en Afrique », conclut-il. Ces jeunes sont l’avenir de la Chinafrique.

Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica. info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.