Jerome Powell, le nouveau président de la de Réserve fédérale américaine,le 30 novembre 2015, à Washington. / Andrew Harnik / AP

Il y a quelques semaines encore, peu de monde connaissait le nom de ce discret républicain de 64 ans. Désigné jeudi 2 novembre par le président Donald Trump, Jerome Powell remplacera Janet Yellen à la présidence de la Réserve fédérale américaine (Fed), la plus puissante banque centrale du monde, dès février 2018. Si le Sénat confirme sa nomination, il incarnera la continuité à la tête de l’institution. « Parmi les candidats évoqués, il est le plus proche de Yellen », résume Christophe Boucher, économiste à Paris-X.

Celui qu’on surnomme « Jay » incarne aussi le compromis, susceptible de convenir autant aux républicains qu’aux démocrates. S’il appartient au premier camp, il ne fait pas partie des proches de Trump. Il est plutôt classé du côté des « colombes » : gouverneur de la Fed depuis 2012, il a, en effet, toujours soutenu la politique de taux faibles de la démocrate Yellen, par opposition aux « faucons », favorables à un resserrement monétaire plus rapide. Ces derniers lui reprochent de se montrer bien trop modéré…

Mais, contrairement à sa prédécesseure, il vient du monde de la finance. Diplômé en droit à l’université de Georgetown (Washington), ancien sous-secrétaire au Trésor de l’administration de George Bush père, il a fait carrière dans la banque d’investissement, notamment au sein du groupe de gestion d’actifs Carlyle. De quoi satisfaire l’aile républicaine qui prône une révision des régulations financières adoptées pendant la crise. « Jay » Powell s’est d’ailleurs montré favorable à leur assouplissement – contrairement à Mme Yellen.

Selon le Wall Street Journal, il sera également le plus riche président de la Fed depuis le banquier Marriner Eccles, qui occupa le poste entre 1934 et 1948. Sa fortune nette est estimée entre 19,7 et 55 millions de dollars (16,9 à 47,1 millions d’euros).

Talents d’avocat

En 2011, il s’est engagé en faveur du relèvement du plafond de la dette américaine – une mesure importante pour éviter un défaut du pays –, avant d’être nommé au poste de gouverneur de la Fed par le président démocrate Barack Obama. Il connaît donc déjà les rouages de l’institution. Ce qui n’empêche pas certains économistes de se montrer circonspects quant à sa nomination. « La grande question est de savoir s’il est vraiment qualifié pour le job, soulève Paul Ashworth, chez Capital Economics. Ses expériences passées sont solides, mais pas spectaculaires. C’est un avocat plutôt qu’un économiste chevronné. Il doit encore prouver qu’il a l’étoffe d’un meneur. »

De fait, les docteurs en économie dominent le personnel de la Fed et, depuis trois décennies, les présidents viennent systématiquement du sérail. Spécialiste du marché du travail, Mme Yellen a obtenu un doctorat à Yale, son prédécesseur Ben Bernanke est passé par le Massachusetts Institute of Technology. Deux prestigieuses universités réputées en économie. M. Powell fera-t-il le poids face aux pointures de l’institution ? Jeffrey Frankel, économiste à Harvard, n’en doute pas. Sur le site d’analyse Project Syndicate, il décrit « Jay », qu’il connaît depuis les années 1990, comme un homme doté « des capacités analytiques dont un président de la Fed a besoin », « il n’aura pas de complexe à traiter avec du personnel plus qualifié ».

Ceux qui se réjouissent de sa nomination soulignent que ses talents d’avocat pourraient se révéler fort utiles face aux tentatives d’ingérence politique auxquelles l’institution pourrait être confrontée ces prochaines années.