Mark Zuckerberg a fondé Facebook en 2004. / Manu Fernandez / AP

« Je suis terriblement sérieux sur ce sujet. » Mercredi 1er novembre, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, a publié un long message concernant, entre autres, les tentatives de manipulation de l’opinion publique passant par sa plate-forme.

Depuis plusieurs semaines, le Congrès enquête sur la façon dont la Russie aurait exploité Facebook, mais aussi Twitter et Google, pour favoriser la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle. Mardi et mercredi, les directeurs juridiques de ces trois entreprises ont été entendus par trois commissions distinctes du Sénat et de la Chambre des représentants, qui les ont assaillis de questions à ce sujet. Plusieurs élus ont d’ailleurs déploré l’absence des patrons de ces entreprises à ces auditions, qu’ils auraient préféré interroger directement.

Facebook promet d’investir

C’est à l’issue de ces auditions que Mark Zuckerberg s’est exprimé publiquement, par écrit, sur sa page Facebook. Un message qui revient aussi sur l’annonce des résultats trimestriels de l’entreprise. Avec des chiffres excellents : un bénéfice net de 4,7 milliards de dollars (soit 4 milliards d’euros) au troisième trimestre, et un chiffre d’affaires dépassant pour la première fois 10 milliards de dollars.

Mais Mark Zuckerberg l’a répété : « Protéger notre communauté est plus important que maximiser nos profits. » Une « priorité » selon lui, au point que les investissements dans ce domaine « auront des conséquences sur la rentabilité » de Facebook, a affirmé sans détour de patron de Facebook – ce qui a, dans la foulée, fait légèrement baisser le cours en Bourse de l’entreprise.

« Rien de tout cela n’importe si nos services sont utilisés pour des choses qui ne rapprochent pas les gens – ou si les fondements de notre société sont manipulés par des interférences étrangères », écrit le jeune milliardaire. Avant d’annoncer qu’il comptait considérablement augmenter les investissements pour lutter contre ce phénomène. « Je voulais que nos investisseurs l’entendent directement de ma bouche. Je crois que cela va rendre notre société plus forte, et sur le long terme, ce sera bénéfique pour tout le monde. »

« Un changement cataclysmique »

Pendant les deux jours d’audition au Congrès, Facebook a été pressé d’agir par les élus, très sévères à l’égard des géants du Web. « Vous avez créé ces plates-formes, (…) et maintenant elles sont détournées », a dénoncé l’influente sénatrice démocrate Dianne Feinstein. « C’est à vous de faire quelque chose – sinon, on s’en chargera », a-t-elle menacé, dans l’une des interventions les plus cinglantes de la journée de mercredi.

« Ce dont nous parlons ici, c’est d’un changement cataclysmique. Ce dont nous parlons, c’est du début de la cyberguerre. Ce dont nous parlons ici, c’est d’une puissance étrangère majeure, avec la sophistication et la capacité de s’insinuer dans une élection présidentielle et de semer la discorde dans ce pays. (…) Vous avez un gros problème entre les mains. »

Le sénateur démocrate Mark Warner a de son côté rappelé que « les Russes mènent une guerre de l’information depuis des décennies », mais que celle-ci vient de prendre une autre dimension :

« Ce qui est nouveau, c’est l’avènement des réseaux sociaux, avec la capacité d’amplifier la propagande et les fausses informations à une échelle inimaginable à l’époque du mur de Berlin. Les outils d’aujourd’hui semblent presque avoir été conçus pour les techniques russes de désinformation. »

Il est impossible aujourd’hui de mesurer l’impact exact des messages russes publiés sur les réseaux sociaux sur l’électorat américain. D’autant plus que l’ampleur de cette propagande n’est pas encore tout à fait connue. « Croyez-vous que vos entreprises ont réussi à identifier tout le champ d’action des Russes ? », a ainsi demandé Mark Warner. « Je dois répondre non », a reconnu le directeur juridique de Facebook, Colin Strech.

Facebook a annoncé que 80 000 publications soupçonnées d’être liées aux intérêts russes avaient été vues par 126 millions d’Américains entre janvier 2015 et août 2017. Trois mille publicités ont été diffusées, vues par 10 millions d’internautes américains. Elles avaient pour particularité d’évoquer des sujets très polémiques aux Etats-Unis, comme l’accueil des réfugiés, le mouvement Black Lives Matter (« Les vies des Noirs comptent »), le port d’armes, l’islam ou les droits des personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenre). Certaines publicités visaient aussi directement Hillary Clinton, l’adversaire de Donald Trump dans la course à la Maison Blanche. Le mois dernier, le réseau social a annoncé un renforcement des contrôles des publicités, ainsi que des mesures de transparence quant à leur provenance et leurs cibles.