Plusieurs directeurs de rédactions européennes et américaines s’associent dans une lettre ouverte pour réclamer une enquête indépendante à la Commission européenne suite au meurtre de la journaliste d’investigation maltaise, assassinée le 16 octobre dans l’explosion de sa voiture. Le courrier, en date du 2 novembre, est adressé à Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne.

Monsieur le vice-président Timmermans,

Le meurtre scandaleux de la journaliste d’investigation maltaise Daphne Caruana Galizia rappelle brutalement les dangers que les journalistes professionnels et les citoyens courent en permanence quand ils s’emploient à mettre au jour la corruption et les comportements illicites des riches et des puissants de ce monde.

Il ne faut pas laisser les assassins de Daphne parvenir à étouffer son enquête sur la corruption au sein des plus hautes sphères à Malte. Nous nous félicitons de vos déclarations publiques soulignant que ce pays doit montrer au reste de l’Europe, et du monde, que sa réglementation est saine et robuste.

Comme vous le savez, en 2016, l’outil de contrôle du pluralisme des médias de la Commission européenne a déploré le manque d’indépendance politique des médias maltais, en estimant que Malte était « le seul Etat membre de l’Union présentant une telle emprise des partis politiques sur les médias ». Son rapport indiquait également que Malte se caractérisait par une faible autonomie éditoriale, « principalement en raison du manque de mesures de régulation et d’autorégulation qui protègent l’indépendance éditoriale dans les médias d’actualité ».

Le meurtre de Daphne, associé aux problèmes structurels identifiés par la Commission, révèle la nécessité d’une enquête exhaustive de celle-ci sur l’indépendance des médias à Malte. Nous vous demandons d’utiliser vos fonctions pour engager un dialogue urgent avec le gouvernement maltais afin de vous assurer qu’il a conscience des obligations qui lui incombent, en tant que membre de l’Union européenne, de faire respecter l’Etat de droit et de garantir la liberté de la presse et la liberté d’expression dans le pays.

L’assassinat de Daphne Caruana Galizia prouve le danger auquel les journalistes sont confrontés lorsqu’ils cherchent à établir la vérité. Il met aussi en évidence la crainte qu’ont les élites corrompues d’être démasquées. Nous vous invitons à user de tous les pouvoirs dont vous disposez pour veiller à ce que la mort de Daphne donne lieu à une enquête complète et pour envoyer un clair signal de soutien aux journalistes qui œuvrent pour l’intérêt général, à Malte et dans le reste du monde.

Bien à vous,

Katharine Viner, rédactrice en chef, The Guardian

Wolfgang Krach, rédacteur en chef, Süddeutsche Zeitung

Dean Baquet, rédacteur en chef, The New York Times

Lionel Barber, directeur de publication, Financial Times

James Harding, directeur de l’information et de l’actualité, BBC

Mario Calabresi, rédacteur en chef, La Repubblica

Antonio Caño, rédacteur en chef, El Pais

Jérôme Fenoglio, directeur, Le Monde