Illumination de l’arc de Triomphe, le 4 novembre 2016, pour célébrer le premier jour d’entrée en vigueur de l’accord de Paris de la COP21 sur le climat. / PATRICK KOVARIK / AFP

Le 4 novembre 2016, l’accord sur le climat, conclu à Paris lors de la COP21, entrait en vigueur. Quatre jours plus tard, Donald Trump était élu à la Maison Blanche et, avec lui, les Etats-Unis affichaient un climatoscepticisme qui allait se traduire, sept mois plus tard, le 1er juin, par l’annonce du président américain du retrait des Etats-Unis de l’accord.

C’est ce « pas de côté » américain qui a conduit le président français, Emmanuel Macron, parodiant le slogan de Donald Trump, « Make America great again » (redonnons à l’Amérique sa grandeur), à lancer un « Make our planet great again » (redonnons sa grandeur à notre planète). Avec un objectif : convier les scientifiques, ingénieurs et entrepreneurs américains à venir travailler en France sur « des solutions concrètes » pour le climat.

Pour capter et enregistrer les candidatures, la plate-forme Makeourplanetgreatagain.fr a été officiellement lancée le 8 juin. Aujourd’hui, l’heure est à un premier bilan. « La France a réussi à honorer son appel en un temps record », se réjouit Anne Peyroche, présidente du CNRS.

Le Centre national de la recherche scientifique a été chargé par le ministère de piloter la sélection des projets. Ceux-ci ont été déposés mardi 31 octobre par une partie des quatre-vingt-dix chercheurs présélectionnés sur leur CV, sur 255 postulants.

Attirés intellectuellement

Qu’est-ce qui motive ces chercheurs, dont près des deux tiers travaillent aux Etats-Unis et 42 % sont Américains ? Première raison de leur départ : les craintes concernant la liberté de la recherche dans l’Amérique de M. Trump. Ils anticipent une perte de financement dans certains domaines, selon les motifs recueillis par le CNRS, due notamment aux coupes prévues dans le budget de l’Agence de protection de l’environnement (EPA).

Outre cette image de liberté associée à la France, les candidats seraient attirés intellectuellement par la qualité de la recherche dans l’Hexagone. Transition énergétique, sciences du climat, évolution des populations d’insectes… Les cinquante-sept projets déposés seront examinés les 23 et 24 novembre par un jury international composé d’une dizaine de scientifiques renommés, de sensibilités différentes.

Les premiers lauréats le 12 décembre

Les retardataires pourront postuler lors de la deuxième session, prévue en janvier. Le président français devrait dévoiler les noms des premiers lauréats le 12 décembre, pour les deux ans de la COP21.

En fin de compte, une cinquantaine de personnes au plus recevront des bourses, jusqu’à 500 000 euros pour un chercheur junior et 750 000 euros pour un senior. Le Commissariat général à l’investissement (CGI) prévoit de verser au total 30 millions d’euros dans le cadre du programme des investissements d’avenir.

Les laboratoires d’accueil s’engagent au minimum à doubler cette somme, par une contribution monétaire ou en nature, en mettant par exemple un équipement spécifique et un ingénieur à disposition.

En échange, les lauréats s’engagent à développer leur projet au moins trois ans dans un laboratoire français. Ils pourraient s’installer en France dès janvier 2018.

Dans le monde, un grand nombre de personnes suffoquent à cause de la pollution dans les grandes villes. Ici à Bombay en Inde, le 20 octobre. / Rafiq Maqbool / AP

« Coup de communication »

Ces sommes constituent une goutte d’eau dans le budget recherche en France, qui s’élève à 27 milliards d’euros. « C’est un coup de communication », estime Olivier Berné, astrophysicien au CNRS et initiateur de la Marche pour les sciences, collectif qui défend l’indépendance et la liberté des sciences.

Cette opération « Make our planet great again » « cache les véritables enjeux », affirme-t-il, citant le manque de pertinence du dispositif de crédit impôt recherche (CIR) alloués aux entreprises. Tandis que M. Macron invite « à grands frais quelques scientifiques états-uniens, 88 % des projets soumis par les chercheurs et chercheuses des laboratoires français aux appels à projets de l’Agence nationale de la recherche [ANR] sont rejetés par manque de moyens, a également rappelé le collectif dans une tribune adressée au président, en juillet. Les laboratoires sont, pour nombre d’entre eux, dans l’incapacité de payer leurs factures et de maintenir en état leurs locaux ».

Quarante-cinq projets d’entrepreneurs

Anne Peyroche balaie ces critiques : les candidats, « reconnus dans leur domaine », développeront des projets « qui s’inscrivent dans le projet scientifique du laboratoire d’accueil, pour acquérir collectivement un nouveau savoir-faire, des nouvelles expertises, un nouveau réseau ».

« C’est très important de bénéficier de l’apport des grands scientifiques pour la réussite du programme et, au-delà, du système académique français », insiste la présidente du CNRS. Ceux-ci demanderont probablement, en outre, des financements complémentaires à l’Europe ou à l’ANR, avec des équipes, déjà installées en France.

Les entrepreneurs tentés par l’aventure française, eux, ne bénéficieront pas de crédit spécifique de l’Etat. Ils s’inscriront dans des dispositifs proposés par Business France. Sur deux cents projets liés à la lutte contre le changement climatique jugés dignes d’intérêt par l’agence publique, quarante-cinq entreprises ont officiellement demandé, au 30 septembre, à être accompagnées pour leur implantation dans l’Hexagone.