Deux semaines après l’opposition toujours très particulière entre l’OM et le PSG, la deuxième affiche la plus à risque de la Ligue 1 se déroule dimanche 5 novembre au soir à au stade Geoffroy-Guichard entre l’AS Saint-Etienne et l’Olympique lyonnais. Le derby entre les deux voisins distants de soixante kilomètres draine son lot de folklore mais aussi de tensions et parfois de violences.

À l’inverse des supporteurs parisiens qui ont été interdits de déplacement au stade Vélodrome, les supporteurs lyonnais auront le droit d’assister au match. Certaines restrictions ont cependant été ordonnées par les pouvoirs publics : leur nombre a été limité à 850 et leur trajet depuis Lyon sera strictement encadré. Mais d’autres restrictions géographiques seront appliquées. Le centre-ville de Saint-Etienne ainsi que les abords du stade, et le centre d’entraînement situé sur la commune de l’Étrat, seront interdites à toutes personnes arborant une tenue de supporteur lyonnais.

Derby ASSE - OL déplacement des Lyonnais à Geoffroy Guichard
Durée : 02:17

« Une évolution positive »

Alors que les supporteurs lyonnais avaient été interdits de déplacement lors du derby de la saison 2015-2016, c’est la deuxième fois consécutive qu’ils ont l’opportunité d’assister à ce qui représente la rencontre de l’année pour eux. Par rapport à la saison dernière, ils seront même 79 de plus à prendre place dans le parcage visiteur. Selon nos informations, il y aura ce soir 550 Bad Gones, 120 membres de Lyon 1950 et 150 places accordées aux autres associations.

S’il faut attendre la fin de la rencontre avant de juger de la bonne organisation de cette affiche du football français, la collaboration entre tous les acteurs semble avoir été idéale. Xavier Pierrot, Stadium manager de l’OL, et le référent supporteur du club, Hugues Esteban, ont été conviés en préfecture de Loire, il y a plus de trois semaines, à venir discuter avec l’ASSE, le représentant du préfet et le Directeur départemental de la sécurité publique 42 (Loire). « D’habitude, c’est plutôt dans la semaine avant le match que l’on se demande encore si le déplacement est autorisé ou pas, confie Xavier Pierrot, Il y a une évolution positive avec une volonté partagée de dialogue entre tous les acteurs. »

À ce titre, la loi du 10 mai 2016, dite loi Larrivé, constitue un tournant. Elle est censée renforcer le dialogue avec les supporteurs même si elle n’est pas dénuée d’un volet répressif avec des dispositions de lutte contre le hooliganisme. « Les décrets d’application de cette loi ont été pris au cours de la saison dernière. Elle a vocation à tenter de développer les relations entre les clubs, les pouvoirs publics et les groupes de supporteurs, à désamorcer certaines situations », affirme le commissaire Antoine Mordacq, commissaire de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), qui fait partie de la direction nationale de la sécurité publique. Elle instaure notamment la fonction de référent supporteur dans chaque club.

Climat général favorable à une détente

Du côté des supporteurs actifs, ceux qui s’organisent et animent les stades, le constat n’est pas si positif. La gestion de l’avant-match entre l’OM et le PSG n’a par exemple pas été du goût des supporteurs parisiens, sans vraie concertation et sans réelle information. « L’interdiction est compréhensible vu le contexte mais tout a été fait au dernier moment, en entretenant une espèce de faux suspense sur la décision », regrette James, porte-parole de l’Association nationale des supporteurs (ANS).

Ce supporteur parisien reconnaît une ouverture au dialogue plus importante, mais qui ne fait pas oublier les loupés. « Il y a une envie de discuter qui repose sur la volonté commune de faire venir les gens au stade, de les remplir. Il y a moins d’interdictions de déplacement mais c’est un peu hypocrite puisqu’il y a en revanche beaucoup de restrictions. Il y a un manque d’homogénéité entre les différentes préfectures et entre les clubs. Il faudrait essayer d’avoir une base commune. »

Si le changement à la présidence de la LFP, avec l’élection en novembre 2016 de Nathalie Bloy de la Tour, et l’arrivée cette saison d’un nouveau commissaire à la tête de la DNLH, créent un climat général favorable à une détente, les actes sur le terrain ne sont pas toujours en adéquation. Et l’accueil des supporteurs dans les stades pâtit d’un manque de réflexion globale. « Si les supporteurs doivent respecter les règlements, il faut aussi que les règlements de la LFP soient appliqués quand il les concerne. Le minimum est ainsi d’avoir une buvette et des toilettes dans chaque parcage visiteur », assène James.

Une buvette et des toilettes dans chaque parcage visiteur

Le porte-parole de l’ANS égrène une liste de revendications : « Il faut des stewards polis et compétents. On demande aussi qu’au niveau des autorités il y ait une personne identifiée et identifiable à qui supporteurs mais aussi membres de la sécurité privée des enceintes puissent s’adresser en cas de problèmes. Il serait également bien d’harmoniser les consignes aux forces de l’ordre pour éviter les contradictions, créatrices de tensions idiotes, quand on nous autorise à entrer un tambour mais sans les baguettes ou qu’un drapeau est autorisé à une fouille avant d’être refoulé 50 mètres plus loin à une autre. »

Optimiste au sujet de l’amélioration des relations avec les supporteurs, Antoine Mordacq réclame du temps et de la patience : « Le travail est en cours et les choses ne vont pas être révolutionnées du jour au lendemain. Après, on est tous d’accord que l’on peut parfois désamorcer des conflits en réglant de petits détails. »

Des supporteurs lyonnais lors du match face à Everton. / ANDREW YATES / REUTERS

Pour le commissaire de la DNLH, il y a encore des efforts à faire au sein de certains groupes de supporteurs, parfois hostiles à tout dialogue. « Il arrive que des parcages soient vides, non à cause d’une interdiction mais en raison d’un boycott. Nous avons un dialogue de plus en plus constructif avec l’ANS mais il ne faut pas oublier qu’un certain nombre d’associations ont toujours refusé de parler au pouvoir public. Parfois, ces mêmes supporteurs n’ont pratiquement plus de relations avec leur propre club, raconte Antoine Mordacq, Je suis quand même optimiste car ils se rendent comptent que cette posture est contre-productive. »

Les raisons de ces boycotts peuvent être variables. Côté stéphanois, on assume d’avoir refusé de se déplacer à Lyon ces dernières années. « Pendant longtemps, on s’est rendu à Gerland entre 1 200 et 2 800 supporteurs. On jouait le jeu d’être escorté. Depuis la folie des restrictions, on nous impose des quotas de 400, de 600 ou de 850 cette année pour les Lyonnais… Or, on se refuse à sélectionner pour un tel match. Nous sommes cinq associations et il n’y aurait même pas assez de places pour nos deux principaux groupes », éclaire Tom, supporteur de l’ASSE.

Les Stéphanois accepteront-ils de se rendre pour la première fois dans le nouveau stade de leurs rivaux lors du match retour prévu en février prochain ? Ce membre du Kop sud de Saint-Etienne est dubitatif : « On n’en a pas encore discuté. Comme les Lyonnais sont plus nombreux cette année, peut-être qu’en fonction de la capacité plus grande du stade de l’OL, nous aurons un quota plus élevé. On n’en sait rien pour le moment. » Il est vrai qu’un derby sans supporteurs des deux camps n’a pas la même saveur.