Onze fois championne paralympique, Tanni Grey-Thompson (ici lors des JO d’Athènes) a dénoncé les dérives du système de classification des athlètes paralympiques. / STR / AFP

Comment déterminer le degré de handicap d’un athlète afin que tous concourent de façon équitable ? Une nouvelle fois, la question de la classification des athlètes paralympiques se retrouve sur le devant de la scène. Depuis plusieurs jours, une commission parlementaire britannique recueille des témoignages accablants sur le système de classification des athlètes paralympiques. En cause : le Comité international paralympique et la façon dont celui décide dans quelle catégorie un athlète concourra en fonction de son handicap. Un ancien expert de l’instance dirigeante du handisport a témoigné anonymement devant la Chambre des communes pour révéler de nombreuses tricheries.

Cet expert, cité par le Guardian, a affirmé connaître « un pays qui coache les athlètes avant les tests de classification pour qu’ils soient reversés dans des catégories plus avantageuses », avant de préciser qu’il suspectait d’autres pays de faire de même. Concrètement, des athlètes paralympiques useraient de différentes techniques pour amplifier artificiellement leur handicap et concourir dans des catégories plus faciles. Des tricheries récurrentes d’après ce témoin, qui prennent la forme de stratagèmes parfois artisanaux : les membres de la commission parlementaire ont ainsi découvert que certains athlètes faisaient de l’exercice avant les tests pour paraître plus faibles ; ou se roulaient dans la neige pour ankyloser leurs muscles. D’autres auraient eu recours à des produits comme le valium (antianxiolytique) afin d’affecter leurs performances pendant ces tests.

Omerta parmi les athlètes

Les témoins entendus ont alerté les parlementaires sur le déficit de formation des agents chargés de déterminer dans quelle catégorie les athlètes seront amenés à concourir. « La formation doit être améliorée, des erreurs et des injustices terribles ont été commises », a expliqué l’ancien expert du comité paralympique.

La commission parlementaire britannique a également mis au jour l’omerta qui règne autour de ces questions dans le monde paralympique. Tanni Grey-Thompson, onze fois titrée aux Jeux paralympiques entre 1992 et 2004 et désormais membre de la Chambre des Lords, a ainsi expliqué que des sportifs avaient été menacés de renvois de la sélection s’ils se plaignaient publiquement des dysfonctionnements du système de classification. « Si nous ne nous penchons pas sur cette question, l’intégrité des Jeux paralympiques est menacée », a déclaré Tanni Grey-Thompson aux députés. Au cours de son audition, l’ancienne championne paralympique a précisé que les athlètes qui témoignaient le faisaient presque tous anonymement, par peur des représailles.

Le Comité paralympique défend son système « robuste »

Le Comité international paralympique, qui n’a pas pu envoyer de représentant pour s’exprimer devant la commission parlementaire « à cause d’autres engagements », a publié un document de neuf pages répondant aux inquiétudes exprimées par les témoins devant la Chambre des communes. Il y est notamment répété que le système de classification des athlètes paralympiques est « robuste, objectif et transparent ». Le comité paralympique se dédouane également en expliquant que les accusations de tricherie sont souvent émises par « des athlètes qui n’ont pas réussi à être sélectionnés ou qui étaient en conflit avec la sélection ou certains de ses membres ».

Une référence à peine masquée au témoignage de Michael Breen. Cet avocat, père d’une athlète paralympique double championne du monde, est en conflit ouvert avec la fédération paralympique anglaise. Devenu le représentant de quelques rares athlètes ayant décidé de parler, il affirme que sa fille a été évincée de l’équipe de relais de Grande-Bretagne parce qu’il s’attaque ouvertement au système.

Il accuse notamment Peter Eriksson, l’ancien entraîneur de l’équipe paralympique britannique, d’avoir fait changer de catégorie une athlète dont il avait été l’entraîneur, pour qu’elle puisse concourir face à des adversaires moins fort. Pendant l’audition de M. Breen par les parlementaires, Peter Eriksson a commenté sur Twitter :

« Choquant d’entendre M. Breen mentir carrément pendant son audition par la commission. »

Ce dernier a répondu en annonçant qu’il comptait porter plainte pour diffamation.