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C’est la première fois qu’elle remet un avis sur la question des villes rétives à la construction de HLM. La Commission nationale dite « de l’article 55 de la loi SRU » (pour « solidarité et renouvellement urbains ») devait rendre public, lundi 6 novembre, son examen de la situation des communes n’ayant pas comblé leur retard pour, d’ici à 2025, être dotées de 25 % de logements sociaux. L’avis est, depuis vendredi 27 octobre, sur le bureau du ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, qui d’ici quelques jours devrait décider des sanctions à appliquer à ces 233 communes en infraction. L’occasion de montrer sa détermination à appliquer la loi SRU, à laquelle il a affiché son attachement depuis sa prise de fonctions. Comme au principe de mixité sociale.

Les préfets ont, chacun dans leur département, fait les comptes des logements sociaux créés entre 2014 et 2016 dans les 1 152 communes assujetties à la loi SRU (à partir de 1 500 habitants en région parisienne et de 3 500 habitants pour les communes faisant partie d’une agglomération de plus de 50 000 habitants). Ce cinquième bilan triennal depuis la première application de la loi, en 2002, est plutôt bon : 188 587 logements sociaux ont été construits, soit 34 % de plus qu’au cours de la période 2011-2013. Le nombre de communes n’ayant pas rempli leur objectif est lui aussi en hausse, à 233 contre 217, en raison de la création d’intercommunalités qui ont fait entrer 130 communes de plus dans le périmètre de la loi SRU.

Les préfets proposent donc de sanctionner ces 233 communes sous forme d’arrêtés de carence les obligeant à payer des pénalités. Chaque logement manquant à l’objectif assigné donne lieu à un prélèvement d’au moins 152 euros par an, plus pour les communes dont les habitants ont en moyenne des revenus élevés. Les sanctions peuvent s’élever à plusieurs centaines de milliers d’euros – jusqu’à 7,5 % du budget municipal maximum. Mais si preuve est faite que la collectivité a réalisé un investissement en vue de créer du logement social, il est déduit du prélèvement.

Dans ce bilan 2014-2016, l’Ile-de-France a le taux d’infractions le plus élevé, avec 68 % de communes carencées (contre 70 % lors du précédent bilan), soit 77 communes sur les 113 concernées. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur a fait des progrès, avec un taux d’infractions chutant de 81 % en 2013 à 44 % aujourd’hui. L’Occitanie fait encore mieux, de 66 % à 22 %, comme Grand-Est, de 85 % à 31 %.

Parmi les très grandes villes de plus de 100 000 habitants, Boulogne-Billancourt, Nice (qui n’a réalisé que 36 % de son objectif), Toulon et Aix-en-Provence sont insuffisamment dotées, tandis que Grenoble, Lyon, Toulouse, Dijon, Perpignan, Bordeaux et Paris atteignent leurs objectifs pour ce bilan-là.

Amende quintuplée

L’avis de la Commission, présidée par Thierry Repentin, par ailleurs délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat, nouveauté du cinquième bilan, a pour objectif d’harmoniser le traitement de l’ensemble des communes carencées, qui peut, sinon, varier d’un préfet à l’autre. Ses membres ont observé la situation de chaque commune : « Nous pensons qu’une trentaine de communes supplémentaires, épargnées par les préfets, pourraient s’ajouter à cette liste, commente M. Repentin. Les préfets n’ont, en outre, cette année, pas eu la main lourde et n’utilisent pas assez la possibilité offerte par la loi de mobilisation foncière de 2013 de multiplier par cinq le montant des amendes infligées aux villes multicarencées. »

Dans les propositions des préfets, seules huit communes verraient, en effet, leur pénalité quintuplée (+ 400 %), telles Saint-Didier-au-Mont-d’Or (Rhône), Chambourcy (Yvelines), Saint-Hilaire-de-Brethmas (Gard), Poussan (Hérault) ou Eguilles (Bouches-du-Rhône), et onze, quadruplée (+ 300 %), alors que la Commission souhaiterait qu’elles soient beaucoup plus nombreuses.

Le bilan est aussi observé sous l’angle qualitatif, puisque la loi de mobilisation foncière de 2013 introduit l’exigence d’un quota de 30 % de logements très sociaux parmi les HLM créées. Cette disposition a pour but d’éviter que certains maires ne créent que du logement à loyer intermédiaire ou pour étudiants, afin d’éviter d’accueillir une population à leurs yeux trop sociale. Marseille et Montpellier, par exemple, ont rempli leurs engagements en quantité mais pas en qualité. « Les préfets n’ont pas assez tenu compte de ce bilan qualitatif, estime M. Repentin, c’est pourquoi nous proposons de sanctionner également les manquements à la diversité des types de logements sociaux. »

Autre arme à la disposition des préfets, renforcée par la loi de 2013 et ultra-dissuasive : se substituer aux maires jugés de trop mauvaise volonté pour, à leur place, délivrer des permis, préempter des biens immobiliers et même, depuis la loi égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017, attribuer des logements sociaux. Le préfet du Gard se retrouve ainsi à administrer l’urbanisme de onze communes ; celui des Alpes-Maritimes, de dix ; celui de Haute-Garonne, de trois ; ceux du Rhône et de Haute-Savoie, d’une chacun. « Associer fermeté et pédagogie est très efficace, puisque sur les 217 communes carencées à l’issue du bilan 2011-2013, seules 75 sont à nouveau en situation de carence en 2016. Les autres ont fait preuve d’initiative et réussi à remplir, voire dépasser leurs objectifs », analyse M. Repentin.