Une fusillade chasse l’autre. Cinq semaines après la tragédie de Las Vegas, une nouvelle tuerie de masse a endeuillé les Etats-Unis, dimanche 5 novembre. Cette fois, dans une église. Et dans une petite localité de 640 habitants, au Texas, montrant que les Américains ne sont nulle part à l’abri d’un phénomène qui, selon les statistiques officielles, a encore augmenté en 2016.

Un homme en tenue paramilitaire a fait irruption pendant l’office du dimanche matin à l’église baptiste de Sutherland Springs, près de San Antonio. Il a fait au moins 26 morts, dont des enfants. Une nouvelle fois, la « violence insensée causée par les armes à feu a déchiré une communauté, et dans un lieu de culte, a déploré la sénatrice de Californie, Kamala Harris. Quand dirons-nous que c’est assez ? »

Jusqu’à présent, rien n’a réussi à endiguer la violence par armes à feu aux Etats-Unis. Campus, églises, malls, discothèques : aucune des tueries des dernières années n’a entraîné de mesures significatives de contrôle de la circulation des armes.

Les « bump stocks » au cœur du débat

Après le massacre de l’école de Sandy Hook (Connecticut), qui avait fait 27 morts en décembre 2012, la sénatrice démocrate de Californie Dianne Feinstein avait tenté d’obtenir l’interdiction des fusils d’assaut. Son projet de loi avait été repoussé par le Sénat en avril 2013, par 60 voix contre 40.

Même la tuerie de Las Vegas, qui a fait 58 morts le 1er octobre, quand un homme de 64 ans a ouvert le feu, depuis sa chambre du casino Mandalay Bay sur un festival de musique country, n’a pas réussi à changer la dynamique politique.

Sous l’émotion de cette fusillade, la plus meurtrière en cinquante ans aux Etats-Unis, la classe politique avait immédiatement annoncé des mesures contre les « bump stocks », ces dispositifs qui permettent d’accélérer la cadence de tirs des fusils semi-automatiques.

Stephen Paddock, le tireur, en possédait douze, en toute légalité. Il avait tiré plus de mille balles en une dizaine de minutes, fauchant 36 femmes et 22 hommes et faisant 161 blessés par balle.

La NRA a finalement durci sa position

Aussitôt, les démocrates avaient déposé un projet de loi au Congrès interdisant ces équipements, qui donnent aux semi-automatiques la puissance de fusils d’assaut entièrement automatiques.

Dans une rare concession aux partisans du contrôle des armes à feu, la National Rifle Association (NRA), le lobby des armes, s’était déclarée favorable à des « réglementations supplémentaires » ; la Maison Blanche, « ouverte à un débat » sur les « bump stocks ». Le grand magasin Walmart avait cessé d’en vendre – ce qui avait accessoirement fait doubler les prix dans les guns shows (foires).

Cinq semaines plus tard, l’idée d’interdire les « bump stocks » s’est enlisée. La NRA a durci sa position. Traditionnellement opposée à toute législation renforçant le contrôle des armes, elle a jugé que ces « bump stocks » devaient continuer à être considérés comme des accessoires.

Vers un simple encadrement des ventes

Plutôt que le Congrès, estime la NRA, c’est au bureau des armes à feu, du tabac et de l’alcool (ATF) qu’il revient de les réglementer. Or l’ATF dépend du ministère de la justice, pas plus enclin que le président Trump à heurter les partisans du second amendement, qui autorise les Américains à posséder des armes.

En fait d’interdiction, le Congrès s’oriente maintenant vers un simple encadrement des ventes de « bump stocks ». Il suffirait de se faire enregistrer au bureau des armes à feu. La proposition émane de la représentante Dina Titus, une démocrate qui représente Las Vegas, la ville meurtrie, au Congrès.

Depuis le 1er novembre, après un mois de suspension, les « bump stocks » sont ainsi de nouveau disponibles sur le marché. L’un des principaux fabricants, la compagnie Slide Fire Solutions, a fait état de la reprise de ses activités dans un courrier promotionnel adressé à ses clients. Elle les remercie d’avoir eu la « patience » d’attendre tout un mois pour faire leurs achats.

Le taux de morts par balle a encore augmenté en 2016

La fusillade du Texas a lieu alors que le CDC (Centers for Disease Control and Prevention), l’organisme chargé de la santé publique aux Etats-Unis, a publié, vendredi 3 novembre, un rapport sur la mortalité par armes à feu. Selon cette étude, le taux de morts par balle (12 pour 100 000 habitants) a encore augmenté en 2016, pour la deuxième année d’affilée après quinze ans de stabilité. « Une augmentation plutôt importante en une seule année », a jugé Bob Anderson, le responsable des statistiques au CDC.

Plus de 30 000 personnes meurent chaque année aux Etats-Unis par armes à feu (38 000 en 2016, 36 000 en 2015). Près de deux tiers des morts sont des suicides ; 36 % des homicides.

Les morts par surdose de drogue sont plus nombreuses (20 morts pour 100 000 habitants en 2016, contre 16 un an plus tôt).