Photographie aérienne prise le 21 avril d’un récif dans l’archipel des Spratleys. / TED ALJIBE / AFP

Pékin disait en avoir bientôt fini avec la construction d’îlots artificiels en mer de Chine méridionale, mais la présentation d’un nouveau navire de drague, le plus grand d’Asie, pourrait laisser ses voisins dubitatifs.

Long de 140 mètres, le Tiankun tient son nom d’un poisson géant de la mythologie extrême orientale, le kun, qui se transforme en un oiseau grandiose. Le bâtiment, dont les essais à l’eau ont débuté, vendredi 3 novembre, devrait être mis en service en juin 2018.

La presse officielle le qualifie de machine « magique » à construire des îlots. Il peut ramasser 6 000 mètres cubes par heure sur le fond marin, jusqu’à 35 mètres de profondeur. « Il peut draguer un espace de la superficie d’un terrain de football sur une épaisseur d’un mètre en une heure », s’est félicité Wang Jian, le chef adjoint de l’ingénierie de CCCC Tianjin Dredging, l’entreprise étatique qui l’a commandé.

La Chine a débuté en 2013 des travaux de poldérisation de grande ampleur sur des bancs de sable à la souveraineté contestée en mer de Chine méridionale. Ils sont depuis devenus sept îlots, dont trois sont dotés de pistes d’atterrissage. Le ministère des affaires étrangères chinois avait annoncé, en juin 2015, qu’il en aurait bientôt fini de ces travaux dans l’archipel des Spratleys. De fait, les nouveaux îlots sont d’ores et déjà dotés de canons antiaériens et de hangars permettant d’accueillir des avions de chasse.

Les îlots artificiels relèvent désormais du fait accompli

Dévoiler ce navire au moment même où le président américain s’envolait pour une tournée de douze jours en Asie – dont une étape en Chine, du 8 au 10 novembre – est le signe d’une solide confiance en soi. La marine américaine continue, sous la présidence de Donald Trump, d’effectuer des missions dites de « liberté de navigation » dans le périmètre proche de ces îlots, comme elle le faisait sous son prédécesseur, Barack Obama.

Toutefois, les îlots artificiels dans les Spratleys relèvent désormais du fait accompli et le gouvernement américain, qui souhaite convaincre la Chine de faire davantage pour freiner les ambitions nucléaires et balistiques de la Corée du Nord, a laissé le dossier de la mer de Chine méridionale en retrait.

Quant aux Philippines, qui revendiquent également la plupart de ces îlots, elles sont, de par leur faiblesse militaire, bien incapables d’entraver les ambitions chinoises. Manille craint désormais que les Chinois débutent des travaux sur un atoll, Scarborough, d’où les gardes-côtes chinois ont expulsé les pêcheurs philippins en 2012 et qui n’est situé qu’à 230 kilomètres de l’île de Luzon, la plus peuplée de l’archipel philippin.

Malgré une décision en juillet 2016 de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye invalidant l’essentiel des prétentions de Pékin sur la zone, Manille ne peut s’en remettre qu’à la bonne volonté de la Chine. « La Chine s’est engagée auprès de nous à ne rien construire là-bas et j’espère qu’ils honoreront leur engagement », a lancé le président Rodrigo Duterte, le 2 novembre, selon le quotidien The Inquirer, ajoutant : « J’espère et je prie. »

La présentation du nouveau navire de drague chinois n’a fait que renforcer ces inquiétudes. « Sa seule existence est préoccupante, a déclaré le ministre de la défense philippin, Delfin Lorenzana, lundi 6 novembre. Où va-t-il ? On ne sait pas. »