La Xbox One X et sa puissance supérieure sous un design épuré sort le 7 novembre.

Microsoft voulait de belles images, et Microsoft les a eues. Lundi 6 novembre au soir, le constructeur américain tenait une soirée en vue du lancement, à minuit, de sa nouvelle console, la Xbox One X. Sur les Champs-Elysées, à la manière des veilles de sortie d’iPhone, plusieurs dizaines de joueurs se sont agglutinés dans le froid pour être les premiers à mettre la main sur la bête.

Deux mois et demi après avoir annoncé que sa nouvelle machine haut de gamme avait battu tous les records de la marque en matière de préréservation, la firme de Redmond peut encore espérer faire de son boîtier 4K la machine désirable du moment. Et tant pis si la Xbox One a été décrochée il y a longtemps par la PlayStation 4, et si la Switch est aujourd’hui la console qui a le plus le vent en poupe.

Que la Xbox One X fasse rêver, ce serait bien le moins pour « la console la plus puissante du monde », comme la présente désormais depuis un an et demi Microsoft, et qui ne cesse d’interloquer les observateurs. Longtemps appelée « Project Scorpio » – son nom de code à son annonce –, elle a donné à plusieurs reprises l’impression d’un formidable coup du scorpion, à la fois puissant et suicidaire.

Sur le papier, la nouvelle Rolls-Royce du jeu vidéo cumule objectivement les handicaps, à commencer par sa sortie tardive, un an après la PlayStation 4 Pro ; son prix très élitiste, 500 euros, contre 400 euros pour sa concurrente ; et surtout un catalogue qui met peu en valeur sa puissance. Tous les jeux Xbox One sont bien sûr compatibles avec cette nouvelle version, mais très peu de jeux tirent pleinement parti de ses capacités : sorti d’un Assassin’s Creed Origins davantage optimisé pour son architecture mais guère exclusif, ou d’un Forza Motorsport 7 déjà somptueux à l’origine, et qui gagne encore en grain une fois mis à jour, mais qui ne s’adresse qu’aux passionnés d’automobile.

En fait, la Xbox One X rentre dans la catégorie relativement spécifique des consoles de confort. Le féru de home cinema pointilleux et dépensier a en effet peu de raison d’hésiter devant cette machine à la silhouette discrète, au fonctionnement remarquablement silencieux, et aux graphismes fouillés et généreux, parfois parfaitement optimisées pour les téléviseurs 4K. C’est, en somme, la console parfaite des happy few, la Rolls de la 4K, comme la Neo Geo fut la Rolls de la 2D.

Non mais « Halo », quoi

En tant que console de jeux vidéo, il lui manque toutefois le contenu qui justifierait à l’aveugle son achat, et ferait d’elle une machine plus grand public. Les patchs pour les jeux existants arrivent au compte-gouttes, et les dernières nouveautés semblent bien loin d’exploiter toute la puissance promise. Pis, pour des raisons aussi bien économiques que commerciales, studios et éditeurs n’ont qu’un intérêt limité à livrer pour le marché embryonnaire de la Xbox One X les versions les plus abouties de leurs jeux, quand l’essentiel des joueurs demeure sur PlayStation 4 classique.

Pour que la dernière-née des équipes d’ingénierie de Microsoft prenne vraiment sens, il lui faudrait en vérité un jeu ambassadeur. Non pas un Cuphead, sublime jeu de plate-forme mimant les dessins animés des années 1930 ; non pas un Playerunknown’s Battlegrounds, jeu de survie multijoueur et viral conçu avec des moyens limités ; ni un Rare Replay, notre compilation préférée de classiques old school des années 1990 ; mais une véritable superproduction exclusive, haut de gamme et spectaculaire, comme un nouveau Halo. Sauf que rien de tel n’a encore été annoncé, et que les signaux ne sont pas positifs.

Car, incidemment, la Xbox One X pose de nombreuses questions diplomatiques aux développeurs et aux consommateurs. Par exemple, comme concevoir un nouveau titre ultra haut de gamme sans donner l’impression de désavouer les possesseurs de la Xbox One classique ? Ou encore : comment convaincre un éditeur de consacrer un jeu en exclusivité à un support au marché aussi restreint, a fortiori au moment où avec la 4K, le niveau de détails exigé contribue à faire exploser à nouveau la taille et le budget des jeux ? Il y a là une inquiétude que Microsoft n’a pas su dissiper en amont.

Crème Chantilly à 500 euros

Pourtant, l’américain Microsoft est loin de se lancer dans une opération-suicide, et encore moins une opération de la dernière chance : outre que la Xbox One X est produite en relativement petites quantités, la gamme Xbox One demeure bénéficiaire pour la firme de Redmond, qui compense la perte de ses parts de marchés par des revenus accrus sur la vente de jeux en dématérialisé et les services en abonnement.

Enfin, et alors que les ventes de PlayStation 4 Pro sont satisfaisantes – Sony parle d’une console PS4 achetée sur cinq – Microsoft peut rêver d’un basculement complet du marché vers la 4K, comme il a été tardivement constaté autour de 2010 pour la HD, et qui ferait de sa machine le meilleur choix pour les esthètes du pixel.

La Xbox One X semble déjà promise à une carrière paradoxale, celle de console surdimensionnée pour les titres qu’elle fera tourner, au moins dans un premier temps. Et si l’on doit en juger par les quelques heures que Pixels a passé en son agréable compagnie, c’est davantage pour son impeccable discrétion, l’élégance de son écrin, la générosité de son stockage et la réactivité de son interface qu’elle séduit… que pour son catalogue. Une sorte de super « centre multimédia », épuré et sélectif, en somme, qui viendra accompagner l’installation d’un nouveau projecteur 4K comme une crème Chantilly à 500 euros viendrait parfaire une coupe de fraises à 3 000. So chic.