Dans le métro à Shangaï. / PETER PARKS / AFP

Le secret de la dernière start-up chinoise en vogue ? Le plus vieux média du monde ! La plateforme de livres en ligne « China literature », une filiale du géant du Web Tencent, a fait une entrée fracassante à la Bourse de Hongkong mercredi 8 novembre. Les actions de l’entreprise ont gagné 94 % peu après l’ouverture des marchés, valorisant la plateforme à 9 milliards d’euros, soit bien au-delà des prévisions des experts, qui oscillaient entre 5 et 7 milliards d’euros. L’aura et l’écosystème de Tencent, géant des réseaux sociaux et leader mondial des jeux vidéos, deuxième capitalisation boursière chinoise derrière Alibaba, n’y est pas pour rien.

Le terme littérature dans le nom de l’entreprise est à prendre au sens large : la plupart des auteurs sont amateurs et une majorité des publications sont des séries grand public. L’univers « heroic fantasy » est surreprésenté. Mais c’est justement la légèreté et la créativité de ces plateformes de lecture qui ont fait leur succès depuis les années 1990. Alors que l’édition en Chine est dominée par des entreprises d’Etat frileuses qui excluent tout sujet politique ou un temps soit peu frivole, les jeunes chinois viennent chercher de la fraîcheur sur Internet. L’avènement des smartphones, dont les Chinois sont largement équipés (95 % des 730 millions d’internautes chinois se connectent à partir de leur mobile), fait exploser le marché. Fin 2016, les plateformes de lecture en ligne comptaient 333 millions d’utilisateurs, un marché estimé à 1,1 milliard d’euros, d’après des chiffres officiels publiés le 2 juillet.

Leader du marché

Aujourd’hui, « Tencent literature « est le leader du marché. Ses différentes plateformes proposent aussi des classiques chinois, se rapprochant des services plus classiques de librairies en ligne comme celle d’Amazon. Elles revendiquent 9,6 millions de titres en tout pour 6,4 millions d’auteurs, et presque 200 millions d’utilisateurs actifs tous les mois. Si les amateurs peuvent mettre leurs écrits à disposition gratuitement, les plateformes fonctionnent sur le modèle du « freemium » pour les titres populaires. Les premiers chapitres sont gratuits puis il faut débourser quelques yuans pour poursuivre sa lecture. Des jeux vidéos aux vidéos en ligne, ce modèle fonctionne de mieux en mieux en Chine, où les internautes sont aujourd’hui moins rétifs à payer pour des contenus. D’après Tencent, 6 % des abonnés paient au moins une fois par mois.

Mais le modèle économique ne se limite pas aux sommes encore modiques déboursées par les lecteurs. Grâce à une communauté de fans qui suivent leurs auteurs préférés avec passion, les plateformes peuvent monétiser les titres à succès sous d’autres formes. L’industrie culturelle en plein boom en Chine est en effet à la recherche constante de « contenus ». Les meilleurs titres peuvent être déclinés en séries télévisées, films, ou jeux vidéos. Les titres déjà connus sont bienvenus s’ils peuvent attirer vers des salles de cinéma des millions de fans. « Nous voulons devenir une version chinoise de Marvel », résume le codirecteur exécutif de « China Literature », Wu Wenhui.

Les exemples de ce genre de succès se multiplient ces dernières années. En 2015, les romans fantastiques d’art martiaux Le voyage des fleurs, de Fresh Guo Guo, ont été adaptés en série télévisée, puis en jeu vidéo. L’adaptation en film d’une histoire de vampires et de revenants, intitulée Les Goules, pointe dans le top dix du cinéma chinois en termes de revenus. De quoi faire passer la branche lecture de Tencent dans le vert pour la première fois au premier semestre 2017, avec 213,5 millions de yuans de profits (27 millions d’euros).