De gauche à droite : le cheikh Mohammed Bin Rachid Al-Maktoum, émir de Dubaï, Brigiette Macron et son époux Emmanuel Macron, le prince héritier d’bou Dhabi Mohammed Ben Zayed Al-Nahyan et le roi du Maroc Mohammed VI, le 8 novembre. / LUDOVIC MARIN/AP

C’est un musée ouvert au vent et à la mer telle une Venise des sables. C’est aussi un musée où dansent l’ombre et le soleil sous la dentelle de métal d’un immense dôme de 180 mètres. Le Louvre Abu Dhabi, inauguré le 8 novembre par Emmanuel Macron se veut avant tout un musée « universel ». Tel est le message martelé par le chef de l’Etat devant plus de 400 invités dont plusieurs chefs d’Etat arabo-musulman, le prince du Bahreïn, le roi du Maroc Mohammed VI ou le président afghan Ashraf Ghani. En saluant ce « Louvre du désert et de la lumière » construit par l’architecte Jean Nouvel, le président français n’a cessé de rappeler avec lyrisme et en citant Dostoïevski que « la beauté sauvera le monde » et qu’elle représente aussi une barrière contre « l’obscurantisme ».

Le lieu oblige par le symbole qu’il représente, aussi bien dans le choix des œuvres exposées, représentant toutes les civilisations que par son installation aux Emirats arabes unis dans un golfe arabo-persique en passe de devenir l’épicentre des tensions régionales sur fond de rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran. D’où le poids des mots alors même que cette visite de deux jours à Abou Dhabi puis à Dubaï est la première qu’il effectue au Moyen-Orient depuis son élection.

« C’est l’épicentre de ce monde où la globalisation s’accélère, c’est le point névralgique où se rencontrent le monde occidental et oriental, c’est aussi le point d’équilibre entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique », a lancé Emmanuel Macron rappelant que « l’islam est né dans ce palimpseste de cultes et de culture » et que « ceux qui veulent faire croire où que ce soit dans le monde que l’islam se construit en détruisant les autres monothéismes sont des menteurs et vous trahissent ». Juste avant lui, le cheikh Mohammed Bin Rachid Al-Maktoum émir de Dubaï et vice-président de la fédération avait pris la parole pour prôner lui aussi la tolérance et le dialogue, la nécessité d’une « alliance pour protéger la civilisation humaine de ses ennemis ». Et de tonner lui aussi contre tous ceux qui veulent « ramener l’ère de l’obscurantisme et de la barbarie ».

Partenaire essentiel

En matière de lutte contre le terrorisme, les Emirats sont un partenaire essentiel dont le président français a plusieurs fois salué l’engagement à lutter contre les groupes armés djihadistes, notamment en participant à la coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI). Sur ce terrain le véritable interlocuteur de Paris est le prince héritier Mohammed Ben Zayed Al-Nahyan.

Surnommé « MBZ », cet ancien pilote est le véritable homme fort du pays. Son frère aîné occupe la présidence, mais il est hors jeu depuis un accident vasculaire cérébral il y a trois ans. S’il a dû pour raisons de protocole laisser la tribune lors de l’inauguration du musée à l’émir de Dubaï il avait accueilli le président français et sa femme dès leur arrivée. Et les deux hommes ont dîné ensemble après la cérémonie.

Ils se connaissent. « MBZ » s’était rendu en France après l’élection d’Emmanuel Macron. Son amitié avec Jean-Yves Le Drian tissée à l’époque où ce dernier était ministre de la défense est réelle. Les sujets d’intérêts communs sur la table sont nombreux. Paris compte notamment organiser en 2018 à paris une conférence sur le financement du terrorisme et la coopération avec les Emirats, sur ce terrain est jugée très bonne. Abou Dhabi, en soutenant le général Haftar le maître de l’est de la Libye joue en outre un rôle clef dans ce pays, un dossier essentiel aux yeux de Paris.

Tensions régionales

Ce sont surtout les nouvelles tensions dans la région du Golfe qui seront sur la table des discussions. L’Arabie saoudite met directement en cause Téhéran après l’interception samedi d’un missile balistique tiré depuis le Yémen par les rebelles houthis. Lors du même week-end, le premier ministre libanais Saad Hariri a, depuis Riyad, annoncé sa démission, apparemment sous pression saoudienne. Cela ne simplifie pas la donne pour un président français qui veut se poser en homme de dialogue comme il l’a tenté en juin lors de la crise qui perdure entre le Qatar et quatre Etats arabes, en premier lieu l’Arabie Saoudite et les Emirats.

L’embarras de Paris avant la visite auprès d’un MBZ, très proche de son homologue saoudien Mohammed Ben Salman, était palpable. La diplomatie française est restée profil bas se contentant de « prendre acte » de la démission d’Hariri. Le jeu d’équilibre risque de devenir toujours plus difficile. Le président français souhaite manifestement renforcer les liens avec les Emirats. Et pas seulement sur l’art. « Les défis que vous affrontez avec détermination, a-t-il affirmé le 8 novembre, font que la France sera toujours à vos côtés, sur le défi du beau comme sur tous les autres. »