Lors d’une réunion anti-harcèlement avec des élèves du lycée Yves-Klein le 6 mars à La Colle-sur-Loup (Alpes-Maritimes). / YANN COATSALIOU / AFP

André Canvel est, depuis 2015, délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire. A l’occasion de la 3e journée nationale « Non au harcèlement » organisée, jeudi 9 novembre, par l’éducation nationale, il rappelle les enjeux de ce qui tend à devenir une question de société.

Selon les statistiques ministérielles, 700 000 jeunes disent avoir fait l’expérience du harcèlement. Qui sont-ils ? Que vivent-ils ?

André Canvel : Les enquêtes qui existent depuis 2011 nous disent que 14 % des élèves du primaire, 12 % des collégiens, 2 à 3 % des lycéens se déclarent harcelés. Les garçons le sont plus fréquemment physiquement, quand les filles sont plus exposées au cyberharcèlement, en particulier au collège. Ce chiffre revient à dire que 1 élève sur 10 est concerné, mais 5 % de la population scolaire est sévèrement et très sévèrement harcelée.

Trois éléments sont à prendre en compte dans la définition du harcèlement : l’isolement de la victime, la répétition des agressions, et des agressions de plusieurs natures (verbaux, physiques, etc.). Là dessus, la recherche internationale est unanime. Cette définition est importante : elle permet notamment aux familles notamment de qualifier le mal.

Comment le phénomène évolue-t-il ?

On constate, sur les dernières enquêtes, une certaine stabilité. Une réponse plus fine viendra sous peu : les résultats d’une enquête menée au collège en 2017 seront connus en décembre. On pourra alors les confronter aux statistiques rassemblées en 2013. Une enquête internationale à laquelle la France participe sur un échantillonnage de collèges – l’enquête HBSC –, publiée en 2015 à partir de données relevées en 2014, a montré un infléchissement du harcèlement entre les classes de 6e et de 3e. On peut commencer à affirmer que les politiques publiques mises en œuvre depuis 2012 en France autour de quatre piliers – sensibilisation, prévention, formation et prise en charge – ont un impact. Attendons décembre pour pouvoir l’étayer.

Des investigations au niveau académique, lancées cette année dans les collèges, et l’an prochain en lycée ainsi que dans les niveaux CE2-CM1-CM2 devraient aussi, sous peu, nous apporter une photographie plus précise de la situation.

La parole autour du harcèlement sexuel semble se libérer dans la société. Est-ce aussi le cas parmi les élèves ?

Toute la problématique du harcèlement, c’est l’isolement ; l’enfant se replie sur lui, (...) il se dit que c’est de sa faute

Oui, on en parle plus librement, aussi parce qu’on est en capacité de développer dans les établissements des techniques de prise la parole. Quelque 7 % des collégiens et des lycéens se disent harcelés sexuellement ; parmi eux, sans surprise, beaucoup de jeunes filles. Toute la problématique du harcèlement, c’est l’isolement ; l’enfant se replie sur lui, se sent responsable de son harcèlement, il se dit que c’est de sa faute. C’est contre cela qu’il nous faut œuvrer pour permettre un changement de posture, au quotidien, et que l’enfant soit sûr de trouver un soutien indéfectible et une écoute.

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Cela fait bientôt dix ans que les pouvoirs publics ont ouvert les yeux sur la question du harcèlement scolaire. Quelles sont vos priorités ?

On veut aujourd’hui essayer d’aider les académies à y voir clair parmi les partenariats possibles avec les associations. Et être sûr qu’on ne confronte pas les élèves à des dispositifs inefficaces, voire néfastes. Des protocoles, des démarches peuvent l’être. Sélectionner au mieux nos partenaires est fondamental. Au niveau national, l’institution travaille avec une dizaine d’associations bien identifiées sur tout le territoire. Les académies ont aussi leur autonomie pour développer leurs propres partenariats. L’objectif est de rendre l’ensemble plus cohérent.