Siège de la BCE à Francfort. / DANIEL ROLAND / AFP

Plus de doute possible : la zone euro est définitivement sortie de la crise et sa croissance s’est même accélérée ces derniers mois. C’est ce que montrent les prévisions économiques d’automne de la Commission européenne publiées jeudi 9 novembre. La hausse moyenne du produit intérieur brut (PIB) pour les 19 pays de l’Eurozone devrait ainsi être de 2,2 % en 2017, de 2,1 % en 2018 et de 1,9 % en 2019.

Pour l’Union européenne (UE) dans son ensemble, la croissance atteindra même 2,3 % en 2017, 2,1 % en 2018 et 1,9 % en 2019. A noter que, pour la première fois depuis qu’elle pratique l’exercice, la Commission a effectué deux projections : avec une UE à 28 pays membres mais aussi à 27, sans le Royaume-Uni, qui théoriquement sera sorti de l’Union au 31 mars 2019, date butoir pour les négociations préparant le Brexit. Même si pour cette année de « sortie » Bruxelles a considéré que les relations commerciales entre Londres et le reste de l’Union resteraient inchangées, alors qu’elles devraient forcément évoluer.

Les chiffres de l’emploi sont également très encourageants. L’Union sort enfin de la reprise « molle constatée ces dernières années », se félicite-t-on à la Commission européenne, et les effets positifs pour les citoyens commencent enfin à se faire sentir. Le taux de chômage devrait s’inscrire à 8,5 % en 2018 en zone euro, et même à 7,9 % en 2019, un niveau historiquement bas, même si cela s’explique en partie par le taux allemand (3,2 % seulement en 2019).

Les niveaux de salaire ne progressent pas assez

Autre très bon chiffre : le déficit public moyen. Il devrait n’être que de 1,1 % pour la zone euro en 2017, de seulement 0,9 % en 2018 et 0,8 % en 2019 ! De mémoire de commissaire européen, un tel taux n’avait jamais été observé. « Après cinq années d’une reprise modérée, la croissance européenne est entrée dans une phase d’accélération. Les bonnes nouvelles s’accumulent : le nombre d’emplois créés augmente, l’investissement se redresse et les finances publiques sont en voie d’assainissement », s’est félicité, jeudi, Pierre Moscovici, le commissaire européen à l’économie et à la fiscalité.

L’ex-ministre des finances français a cependant mis en garde contre les niveaux de salaire : ils ne progressent pas assez et ne convergent pas non plus suffisamment au sein de la zone euro. Bruxelles pointe aussi le niveau d’endettement public qui reste encore très élevé : 87,2 % en moyenne dans la zone euro en 2018. Avec des pays dont les dettes publiques rapportées au PIB excèdent encore 90 % : l’Italie, la Belgique, le Portugal, la France (à 96,9 %), l’Espagne ou la Grèce. A noter que, pour la Grèce, la dette devrait passer à 170 % du PIB en 2019, à condition que le pays sorte comme prévu de son troisième plan de sauvetage financier à l’été 2018 et bénéficie à cette occasion des allégements de dettes auxquels se sont engagés ses créanciers.

Les chiffres spécifiques à la France pourraient en revanche faire grincer des dents à Paris, même si le pays n’est plus considéré à Bruxelles comme le mauvais élève de la classe, celui qui ne respecte pas les règles du pacte de stabilité depuis des années. Les multiples engagements de l’exécutif français à respecter le fameux plafond de 3 % de déficit public ont payé.

Discussions serrées entre Paris et Bruxelles

La croissance hexagonale d’abord : la Commission est plus conservatrice que Paris, estimant qu’elle atteindra 1,6 % en 2017 (1,7 % en 2018 et 1,6 % en 2019). Bercy prévoit plutôt 1,8 % en 2017. Ce petit écart se retrouve logiquement dans les prévisions du déficit public. La France devrait respecter le plafond de 3 % de son PIB en 2017, avec un déficit de 2,9 %. Mais, pour 2018, il devrait encore s’établir à 2,9 % du PIB (alors que Paris table officiellement sur 2,8 %), et même à 3 % en 2019.

La France devrait quand même, sauf accident, sortir de la procédure stigmatisante des déficits excessifs (il faut pour cela aligner deux années consécutives sous le plafond des 3 %), mais avec une trajectoire budgétaire moins nette que l’Espagne, l’autre grand pays encore hors des clous du pacte de stabilité et de croissance. Pour Madrid, Bruxelles prévoit un déficit de 3,1 % en 2017, 2,4 % en 2018 et 1,7 % en 2019.

Par ailleurs, Paris et Bruxelles ont encore des discussions serrées sur l’effort structurel qu’est censé produire le pays (réduction du déficit liée à des mesures structurelles comme des rationalisations administratives, etc.). Paris ne propose qu’un effort de 0,1 % de son PIB pour son budget prévisionnel 2018 alors que, d’après les calculs de la Commission, il serait même légèrement négatif, ce qui n’est pas permis par les règles du pacte.