La décision de la cour d’appel de Nouadhibou, dans le nord de la Mauritanie, sonne, probablement la fin de quatre années de cauchemar judiciaire pour Cheikh Ould Mohamed Ould Mkhaïtir – également identifié comme Mohamed Cheikh Ould Mohamed. Jeudi 9 novembre, ce musulman d’une trentaine d’années est en effet ressorti libre du tribunal, selon l’un de ses avocats, alors qu’il avait été préalablement condamné à mort pour « mécréance ». La cour d’appel a ramené sa peine à deux ans de prison, plus une amende de 60 000 ouguiyas (environ 145 euros), une peine d’emprisonnement que le jeune homme, arrêté en 2014, a donc déjà purgée.

La veille, pourtant, le ministère public avait de nouveau requis la peine capitale à son encontre pour un billet de blog de fin 2013 contenant, selon le parquet, des « propos blessants et diffamatoires envers le prophète Mahomet ». A l’ouverture de son procès, Ould Mkhaïtir avait une nouvelle fois reconnu avoir « décelé dans son article des erreurs », qu’il avait « immédiatement corrigées dans un autre article ». Il avait également exprimé « tout son repentir et ses excuses » et assuré la cour de sa « foi en Allah et en son prophète ».

Dans son article, le jeune homme avait critiqué l’utilisation de la religion pour justifier certaines discriminations dans la société mauritanienne. Devant la cour, il avait dénoncé le traitement dont est, selon lui, « victime » sa communauté, les Maalmines (forgerons), « tant au plan social que religieux ».

« Enorme soulagement »

Les avocats de la défense avaient demandé à la cour de tenir compte de « ses regrets et excuses sincères », « d’annuler sa condamnation » et de lui accorder des « réparations pour les souffrances qu’il a subies ». Joint au téléphone, un de ses avocats, Mohamed Moïne sorti du tribunal sous escorte de la police, a exprimé sa « satisfaction » devant cette décision de justice « malgré une campagne enflammée des médias et de certains partis politiques » à l’encontre de l’accusé.

Alioune Tine, chef du bureau Afrique de l’Ouest et centrale de l’organisation de défense des droits humains Amnesty International, a fait part de « son énorme soulagement ». « Cette décision offre aux autorités mauritaniennes l’opportunité de changer leurs pratiques et d’arrêter de persécuter les militants des droits de l’homme », estime-t-il. Il demande à cette occasion la libération de Moussa Biram et Abdallahi Matallah, deux militants anti-esclavagistes, emprisonnés depuis cinq cents jours. Human Rights Watch (HRW) avait également demandé la libération du blogueur considéré comme un prisonnier d’opinion « qui n’aurait jamais dû être poursuivi ».

Amnesty invite aussi les autorités à tout faire pour que le blogueur « retrouve sa dignité et puisse vivre sans craindre pour sa vie ». Mais, selon plusieurs sources, Ould Mkhaïtir pourrait être accueilli dans un pays étranger pour des raisons de sécurité. Cette affaire a en effet déchaîné les passions au sein des milieux religieux conservateurs qui manifestaient régulièrement pour demander l’exécution du blogueur.