Les champions de l’économie tricolore croient-ils au « made in France » ? Au cours des dix dernières années, ils ont, en tous les cas, massivement cherché leur croissance et leur rentabilité à l’étranger, et déplacé leur centre de gravité industriel en conséquence. C’est ce que montrent les calculs de Franck Dedieu. Cet enseignant-chercheur à l’école de commerce IPAG, qui prépare une thèse sur le « made in France », a passé au crible les 50 premiers groupes cotés en France, comme Total, LVMH, Sanofi, EDF, SEB, etc.

Le résultat est frappant : en moyenne, les ténors tricolores ne comptaient plus que 30 % de leur effectif en France fin 2016, contre 36 % en 2006. Cette forte baisse du poids relatif de l’Hexagone est liée à un double mouvement. Les groupes concernés se sont énormément développés hors des frontières, en particulier dans les pays émergents, où ils emploient désormais 31 % de leur personnel. En sens inverse, ils ont réduit de 16 % leur effectif en France, ramené en dix ans de 1 million à 840 000 personnes.

« Des écosystèmes industriels complets hors de France »

« Face à une fiscalité jugée trop lourde, à des coûts de production trop élevés, les grands groupes ont voté avec leurs pieds et investi bien plus hors de France que leurs homologues allemands hors d’Allemagne, explique l’économiste Elie Cohen, spécialiste de l’industrie. S’il en fallait une preuve, il suffit de comparer les stratégies des groupes automobiles. Là où les Allemands ont bâti une chaîne de valeur déployée sur l’ensemble de l’Europe, les Français ont créé des écosystèmes industriels complets hors de France, avec comme résultat une chute de la production automobile en France. »

Malgré cette baisse de l’emploi sur leur sol, les champions nationaux gardent une présence dans l’Hexagone bien plus forte que ce qu’impliquerait le simple chiffre d’affaires qu’ils y réalisent. Compte tenu des sièges sociaux, des usines, des centres de recherche, etc., la France concentre encore 30 % de leurs effectifs et 27 % de leurs actifs corporels, alors qu’elle ne pèse plus que 20 % dans leurs ventes.