Donald Trump quittant le golf de Kawagoe (Japon), le 5 novembre. / JONATHAN ERNST / REUTERS

Editorial du « Monde ». L’élection de Donald Trump restera pour les Américains comme l’un de ces événements pour lesquels chacun se rappelle où il se trouvait à ce moment précis, au même titre que le premier homme sur la Lune ou l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Un an après ce séisme politique, une large partie d’entre eux est encore sonnée par la présidence sans doute la plus atypique de l’histoire de cette vieille démocratie. La consternation se mêle à l’incompréhension d’une victoire que très peu avaient vu venir.

De nombreux électeurs démocrates se sont abîmés dans la recherche d’excuses ou d’explications plus ou moins convaincantes. Certains ont mis en cause le système électoral. D’autres ont critiqué le choix de Hillary Clinton comme candidate. Mais se focaliser sur ces raisons conduit inévitablement à passer à côté de l’essentiel.

Si Donald Trump a gagné, c’est avant tout parce qu’il a su s’adresser à une Amérique qui avait le sentiment d’être oubliée. En marge des régions prospères des côtes et des grandes villes, toute une population souffrait en silence dans l’indifférence des élites politiques et d’une partie des médias. Les statistiques macroéconomiques plutôt flatteuses laissées par Barack Obama avaient masqué les fractures provoquées par la crise de 2008 et une mondialisation dont les conséquences n’ont pas été assez accompagnées.

M. Trump a commencé son mandat avec l’une des cotes de popularité les plus basses parmi les présidents américains, mais un an après, celle-ci résiste plutôt bien. Avec 38 % d’opinions favorables, le milliardaire garde un socle de fidèles visiblement peu sensibles aux accusations d’ingérence russe, qui polluent sa présidence. Pas plus qu’ils ne paraissent ébranlés par la minceur d’un bilan qui reste dérisoire par rapport aux promesses que le candidat Trump avait fait miroiter. La réforme du système de santé s’est fracassée au Congrès, le mur à la frontière mexicaine cherche encore ses financements, tandis que les contre-pouvoirs du système américain ont efficacement fonctionné pour neutraliser ses projets de lutte contre l’immigration.

Une ploutocratie

Mais M. Trump est parvenu à donner le change à son électorat en s’attaquant de façon systématique et quasi obsessionnelle aux décisions prises par son prédécesseur, que ce soit en matière d’environnement ou de politique étrangère. Là encore, beaucoup avaient sous-estimé le rejet du premier président noir par une partie du pays qui s’est tue pendant huit ans.

Flatter la fibre nationaliste de ses partisans est une chose, appliquer la politique qu’ils attendent en est une autre. C’est là que la situation risque de se compliquer pour M. Trump. Pendant sa campagne électorale, il avait promis « d’assécher le marais » de Washington, c’est-à-dire de neutraliserles lobbies de l’argent, qui avaient confisqué la démocratie américaine au profit des intérêts privés.

Or, loin de les avoir éliminés, le roi de l’immobilier a installé une ploutocratie dont les objectifs semblent aux antipodes des attentes de l’Amérique qui a voté Trump, ces oubliés du système, adversaires du politiquement correct. Entre la déréglementation du système financier, une réforme fiscale qui fait la part belle aux plus favorisés et les coupes claires dans les budgets de l’éducation et des programmes sociaux, on a du mal à imaginer que ceux qui ont porté Donald Trump à la Maison Blanche restent longtemps solidaires d’une politique qui risque finalement d’aggraver leur situation.