Abdoulaye Harissou avant son emprisonnement. Image fournie par le Comité de libération des prisonniers politiques (CL2P). / CL2P

Plus de dix jours se sont écoulés depuis la décision du tribunal militaire de Yaoundé de sa « libération immédiate » et pourtant Me Abdoulaye Harissou n’est toujours pas libre. Le 30 octobre, l’ancien président de la Chambre des notaires du Cameroun avait été condamné à trois ans de prison, une peine correspondant au nombre d’années qu’il avait déjà passées derrière les barreaux. « Sa peine a été calquée sur la durée de sa détention. Ce qui veut dire qu’il n’a plus de raison d’être en prison. On ne sait toujours pas ce qui se passe », s’inquiète Me Jacques Mbuny, l’un de ses avocats.

Arrêté le 27 août 2014 à Maroua, dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, MAbdoulaye Harissou était accusé de « non-dénonciation » et de « tentative d’outrage au président de la République ». La justice lui reprochait de ne pas avoir dénoncé une tentative présumée de coup d’Etat contre le président Paul Biya, qu’aurait préparée depuis la Centrafrique, Aboubakar Sidiki. Le notaire a toujours réfuté ces accusations.

Accusé, entre autres, « d’assassinat » et de « complicité d’hostilité contre la patrie et complicité de révolution », Aboubakar Sidiki, président du Mouvement patriotique du salut camerounais, a quant à lui été condamné à vingt-cinq ans de prison. Ses avocats, qui dénoncent un « procès vide et sans preuves », ont fait appel.

« La Constitution est violée »

Pour leurs défenseurs, Me Abdoulaye Harissou et Aboubakar Sidiki sont les victimes d’un « procès politique ». Le notaire paierait son amitié « assumée » avec Marafa Hamidou Yaya, un ancien ministre de Paul Biya, condamné à vingt ans pour « complicité intellectuelle de détournement d’argent public » dans le cadre de l’achat d’un avion présidentiel. Depuis sa cellule, Marafa Hamidou Yaya publie régulièrement des tribunes, donne des interviews pour dénoncer le régime de Yaoundé.

« Cette détention illégale [de Me Harissou] confirme ce qu’on se disait. Il s’agit d’une affaire politique. Tout est désormais affiché au grand jour. La Constitution est violée. Le pouvoir judiciaire a fait un travail et on nous dit que l’exécutif est en train de demander qu’on attende. Le principe de séparation des pouvoirs voudrait que quand la justice a tranché, on exécute », s’insurge Me Jacques Mbuny.

« Aboubakar Sidiki a été très lourdement et injustement condamné. Me Harissou est toujours en détention alors qu’il a purgé sa peine, dénonce également Ilaria Allegrozzi, d’Amnesty International. L’emprisonnement d’opposants à travers des procès inéquitables ne fera rien pour renforcer la confiance durant la période de tension profonde que connaît le pays. »