• Clément Saunier
    Directions
    Peter Maxwell Davies : Litany for a ruined chapel between sheep and shore. Giacinto Scelsi : Quattro pezzi. Hans Werner Henze : Sonatina. Toru Takemitsu : Paths. Ivan Fedele : High. Matthias Pintscher : Shining forth.
    Clément Saunier (trompette).

Pochette de l’album « Directions », de Clément Saunier. / KLARTHE/HARMONIA MUNDI

La trompette et rien d’autre pendant tout un CD (même court, moins de 50 minutes), le pari est osé. D’autant que la plupart des œuvres s’inscrivent dans une dimension extatique. Pourtant, Clément Saunier (soliste de l’Ensemble intercontemporain) tient en haleine de bout en bout. La fluidité de son phrasé sert aussi bien l’élégant vagabondage de Peter Maxwell Davies que le pénétrant cache-cache (avec ou sans sourdine) de Toru Takemitsu. La richesse de son timbre alimente le rayonnement immémorial de Giacinto Scelsi comme la pénétrante déclamation de Hans Werner Henze ou le bourdonnement jazzy d’Ivan Fedele. Quant à son sens inné de la projection, il excelle au bénéfice de Matthias Pintscher, le seul, ici, à sacrifier à la gamme des « modes de jeu » inédits. Avec sobriété, toutefois, le maître mot de ce séduisant parcours. Pierre Gervasoni

1 CD Klarthe/Harmonia Mundi.

Pochette de l’album « Caravanas », de Chico Buarque. / DISCMEDI/DISTRIJAZZ

Sorti au Brésil sur le label indépendant Biscoito Fino, cet album, que Chico Buarque devrait présenter sur scène à Rio en janvier 2018 (aucun concert annoncé en France, pour l’instant) s’est fait désirer. Six années se sont écoulées depuis le précédent, le chanteur priorisant d’autres activités (littérature, engagement politique auprès de son ami l’ancien président Lula et de Dilma Rousseff, la présidente destituée). Auteur et compositeur capital de la musique populaire brésilienne, sur des musiques aux tempos variés (samba, bossa nova, jazz, blues, boléro), à l’écart des sons dans l’air du temps, il écrit une poésie, amoureuse ou lucide, d’une souplesse sophistiquée. Un véritable enchantement pour qui a la maîtrise de la langue portugaise (hélas pour les autres, pas de traduction dans le livret). Portant un regard aigu et poétique sur la société dans laquelle il vit aujourd’hui, il manie la subtilité, le double sens et l’entre-deux. Comme par exemple, dans As caravanas, le titre final, traversé par les caravanes de migrants, mais également les gosses des bidonvilles convergeant en groupe vers les plages de Rio, le dimanche. Patrick Labesse

1 CD Discmedi/Distrijazz.

Pochette de l’album « The Saga Continues », de Wu-Tang Clan. / 36 CHAMBERS LLC/ENTERTAINMENT ONE/MODULOR

RZA, leader du groupe new-yorkais Wu-Tang Clan, avait voulu faire passer en 2015 un message à l’industrie du disque en mettant en vente aux enchères leur précédent album, Once Upon a Time in Shaolin, un double CD agrémenté d’un livre illustré, publié en un unique exemplaire. Vendu 2 millions de dollars à un riche milliardiare, l’album a prouvé que la musique avait bel et bien une valeur. Ce huitième album studio, The Saga Continues, est, lui, proposé à tous. RZA en a confié la production à leur DJ historique, Mathematics. On y retrouve toute l’essence du Wu-Tang : des génériques et des dialogues de films de kung-fu, des samples soul, et les huit Mcs du groupe, toujours aussi affutés, accompagnés de leur garde rapprochée (Killah Priest, Sean Price..). Redman, le complice de Method Man, semble faire partie intégrante du groupe en participant à trois très bons People Say, Lesson Learn’d et Hood Go Bang. La fille de Sugar Minott, quant à elle, participe au caribéen Why Why Why, un des titres les plus réussis. Le disque est aussi parsemé d’interludes qui interrogent sur la condition des femmes noires et sur la figure du père dans leur communauté. Un Wu-Tang Clan de bon cru. Stéphanie Binet

1 CD 36 Chambers LLC/Entertainment One/Modulor.

Pochette de l’album « New Monk Trio », de Laurent de Wilde. / GAZEBO/L’AUTRE DISTRIBUTION

Pochette de l’album « Boo Boo’s Birthday », de Xavier Richardeau. / JAZZ FAMILY/SOCADISC

Double hommage au pianiste et compositeur Thelonious Monk (1917-1982). L’un, New Monk Trio, par Laurent de Wilde, pianiste lui aussi, en trio avec Jérôme Regard à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie. L’autre, Boo Boo’s Birthday, par le saxophoniste et clarinettiste Xavier Richardeau avec le pianiste Laurent Courthaliac, le contrebassiste Thomas Bramerie, le batteur Romain Saron et la chanteuse Véronique Hermann Sambin pour quatre compositions de Monk.

De Wilde annonce généralement les mélodies, ces miniatures rêveuses, fantasques, comme repères, menant chaque arrangement vers une ambiance. Une trace de funk ici, un calypso là, sans forcer le trait, un traitement de ballade pour ce qui avait au départ un tempo plus rapide, une accélération pour ’Round Midnight, le plus souvent joué dans la lenteur. Ce même ’Round Midnight, seul thème commun aux deux albums, Xavier Richardeau, plus dans la lettre des originaux, lui conserve son tendre allongement, le chant de Véronique Hermann Sambin ajoutant au pouvoir évocateur de la composition – elle brille aussi lorsque elle va vers le chant scat. Cette fidélité aux sources par Richardeau et ses compagnons n’est pas pour autant un arrêt dans le passé. Deux albums, complémentaires, l’un et l’autre très justes, subtils, qui vont entre classiques de Monk et compositions plus secrètes, dans lesquels priment le jeu collectif. Sylvain Siclier

(1) 1 CD Gazebo/L’Autre Distribution ; (2) 1 CD Jazz Family/Socadisc.