Film sur OCS Géant à 22 h 10

Le Violent, en 1950, est le second film que Nicholas Ray réalise pour Humphrey Bogart. L’acteur, alors au sommet de sa gloire à Hollywood, avait créé Santana, une société de production, avec Robert Lord, ancien ­scénariste et producteur à la ­Warner. Il avait immédiatement embauché Ray en 1949 pour Les Ruelles du malheur. Ce second film sera, en bien des points, supérieur au premier. Nicholas Ray était, à l’époque, sous contrat avec la RKO, qui avait accepté de le ­ « prêter » à Bogart pour l’occasion.

Sur un script d’Andrew Solt, le résultat restera un des titres les plus étranges et les plus atypiques de l’acteur. Sans doute parce que des éléments personnels et intimes y ont été intégrés. Nicholas Ray exigea que le rôle féminin soit tenu par sa femme, Gloria ­Grahame, dont il se séparera durant le tournage. L’action se situe dans les milieux du cinéma, bien que l’on n’y voie pas un seul plateau de tournage mais plutôt des bars, des appartements et une cour de résidence. Le réalisme est ainsi accentué par l’absence de toute l’aura généralement attachée à l’usine à rêves.

Alcoolique et bagarreur

Bogart incarne Dixon Steele, un scénariste sur le retour, alcoolique et bagarreur. Une jeune fille qu’il avait « draguée » un soir pour qu’elle lui lise un roman qu’il était censé adapter est retrouvée morte, étranglée, le lendemain. Les soupçons se portent sur lui mais le témoignage de sa voisine fournit un alibi solide. Celle-ci tombe amoureuse de Steele mais découvrira en lui un potentiel de violence qui lui fera, petit à petit, le soupçonner du meurtre. Tout l’enjeu du récit sera de savoir si le couple, à la lumière du soupçon qui se développe, tiendra le coup.

Humphrey Bogart dans « Le Violent ». / OCS

Dans Le Violent se joue une lutte inégale entre les conventions du film noir (qui a tué ?) et la vie elle-même, les zones sombres des individus irréductibles au formatage de la fiction sur commande. Lorsque la vérité éclatera, dédouanant le héros du meurtre, celui-ci, coupable virtuel par son indifférence à la souffrance d’autrui mais aussi par sa brutalité impulsive, qui le mène au bord de l’homicide, aura tout perdu.

Ce rôle, dont Bogart fait, par la rigidité même de son jeu, resurgir la dimension névropathe, définit un personnage à mi-chemin entre une ultralucidité insoutenable et une paranoïa aiguë, que l’on retrouvera dans d’autres films de Ray.

Le Violent, de Nicholas Ray. Avec Humphrey Bogart, Gloria Grahame, Frank Lovejoy (EU, 1949, 94 min).