Avant d’affronter le XV de France, samedi 11 novembre à Saint-Denis (à partir de 20 h 45), pour leur premier test-match de novembre, certains joueurs néo-zélandais en ont profité, trois jours plus tôt, pour participer aux commémorations de la première guerre mondiale. Mercredi, ils assistaient à Paris au ravivage de la flamme du Soldat inconnu, sous l’arc de Triomphe.

En ce 99e anniversaire de l’armistice, l’historien Alexandre Lafon, conseiller de la Mission du centenaire et enseignant à l’université Jean-Jaurès de Toulouse, explique pourquoi les doubles champions du monde en titre perpétuent la mémoire du conflit de 14-18.

A New Zealand Hero - Dave Gallaher
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Que représentent ces commémorations de l’armistice pour les All Blacks ?

Alexandre Lafon : Pour un rugbyman de Nouvelle-Zélande, participer au ravivage de la flamme est un acte symbolique très, très fort. On peut retenir deux dates fondatrices de cette nation. Le premier, c’est le rugby, avec une identification forte à l’équipe nationale. Notamment depuis la tournée de 1905 et 1906 en Europe. Les joueurs se distinguent et gagnent alors leurs surnoms d’All Blacks, une déformation de l’expression « All backs » (tous arrières), pour dire qu’ils courraient tous aussi vite que des arrières.

Ce premier pilier de l’identité néo-zélandaise se conjugue avec le second, qui est la première guerre mondiale. Depuis 1907, la Nouvelle-Zélande a acquis une certaine indépendance en étant un dominion de la couronne britannique. Mais il reste dans le giron de l’Empire et, à ce titre, 120 000 soldats néo-zélandais s’engagent dans la première guerre mondiale. D’abord au Moyen-Orient. Le 25 avril 1915, 2 700 Néo-Zélandais sont fauchés le même jour lors du débarquement à Gallipoli, dans l’actuelle Turquie. Cette date est devenue un symbole de l’identité néo-zélandaise pour ce pays qui comptait alors 1 million d’habitants.

Pourquoi ces deux « piliers » de la nation se conjuguent-ils ?

Treize internationaux néo-zélandais sont morts pendant le conflit. Dont le sergent Dave Gallagher, ancien capitaine des All Blacks pendant la tournée de 1905 et 1906. A l’appel de l’Empire, il est parti comme volontaire pour la première guerre mondiale. Il avait 42 ans et avait déjà participé à la guerre des Boers en Afrique du Sud. Gallagher a fait toute la campagne de 1914 jusqu’à sa mort le 4 octobre 1917 pendant la bataille de Passchendaele, en Belgique. Un peu comme Jean Bouin en France, cette figure sportive a réinvesti son charisme pour apparaître comme un héros qui conduit la nation à la victoire.

Il a également été question de rugby en marge du conflit…

Le 8 avril 1917, à Vincennes, les équipes militaires de la Nouvelle-Zélande et la France s’affrontent : 40-0 pour les Néo-Zélandais. Il s’agit d’un match de gala qui favorise la cohésion des armées. Et puis, il y a un aspect de propagande : la presse montre au grand public la beauté, le charisme de ces forces armées qui illustrent la bonne entente entre les alliés, avec des sportifs mobilisés sur le terrain de rugby comme sur le terrain militaire. Peu après le match, plusieurs joueurs vont mourir, avec la bataille du chemin des Dames, dans l’Aisne.

A l’époque, la guerre permettait d’affirmer une identité néo-zélandaise de plus en plus forte. Ce jour-là, les Néo-Zélandais font aussi leur haka [danse rituelle d’avant-match]. Il est alors fait exclusivement par des joueurs blancs, les joueurs d’origine maorie n’intégreront que plus tard l’équipe militaire néo-zélandaise [même si des Maoris s’engagent aussi dans la première guerre mondiale].

Depuis 2000, le trophée Dave-Gallagher récompense symboliquement le vainqueur des affrontements France - Nouvelle-Zélande. Pourquoi ?

Le trophée s’inscrit dans cette volonté de perpétuer la mémoire néo-zélandaise à travers le rugby. Depuis les commémorations du centenaire de la première guerre mondiale, la Nouvelle-Zélande a aussi la volonté de construire des chemins de mémoire en Europe autour notamment de la bataille de la Somme, du site de Longueval et du Quesnoy, dans le Nord.

Le cycle de cette redécouverte de l’histoire commune française et néozélandaise doit se terminer en 2018 avec l’inauguration à Wellington d’un monument. Evénement qui aura lieu soit autour du 25 avril, soit autour du 11 novembre.