A la suite de M. Macron, trois membres du Bundestag appellent Paris et Berlin à nouer un nouveau partenariat franco-allemand afin de rester le « moteur de l’Europe ». / FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

Tribune. Dans le discours très remarqué qu’il a tenu sur l’Europe à la Sorbonne, le président français, Emmanuel Macron, a entre autres proposé un partenariat nouveau entre la France et l’Allemagne. Cinquante-cinq ans après le Traité de l’Elysée, une nouvelle coopération doit être scellée entre les deux pays.

Nous devrions nous réjouir de cette proposition, car l’amitié franco-allemande reste un bienfait. Elle nous a apporté la paix et a fait de nous des partenaires en Europe. Ce partenariat est une plus-value pour les deux parties et c’est justement dans une Union européenne (UE) agrandie que notre contribution commune est demandée. Ensemble, nous avons la chance de faire avancer l’Europe en des temps difficiles et d’accroître sa capacité d’action.

« L’essence du projet européen, c’est la démocratie », a affirmé M. Macron, soulignant notamment le rôle des parlements. Nous partageons cet avis, et proposons dès lors que l’Assemblée nationale et le Bundestag allemand adoptent, le 22 janvier 2018, pour le 55anniversaire du Traité de l’Elysée, une même résolution, qui soit à la fois l’expression de l’amitié de nos deux peuples et un mandat pour agir adressé à leurs gouvernements. Cette résolution devrait tracer les points essentiels de la relance du partenariat franco-allemand.

De nouvelles impulsions doivent à nos yeux revêtir deux dimensions, européenne et bilatérale, l’accent étant mis sur la force des régions frontalières

Cinquante-cinq ans après la signature du Traité de l’Elysée, nous sommes bien loin d’avoir épuisé tous les potentiels de notre relation. De nouvelles impulsions doivent à nos yeux revêtir deux dimensions, européenne et bilatérale, l’accent étant mis sur la force des régions frontalières.

Au chapitre européen, il conviendrait de dire comment les deux pays s’engagent ensemble au sein de l’UE. Concertation la plus étroite, d’une part, et ouverture à la collaboration d’autres partenaires, d’autre part, sont les deux faces d’une même médaille. Sans elles, nous ne pourrons remplir ensemble notre rôle de « moteur de l’Europe ». S’agissant de l’intégration de points de vue différents, une signification particulière revient à la collaboration entre l’Allemagne, la France et la Pologne au sein du « Triangle de Weimar ».

M. Macron a fait de bonnes propositions pour le renforcement de l’UE : une Europe de la sécurité et de la défense, une politique d’asile uniforme et une lutte conjointe contre les causes des migrations.

Une zone euro mieux armée face aux crises

Il nous faut d’urgence un accord franco-allemand – dont on discute depuis des années – sur la poursuite et l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Nous ne demandons pas que le futur gouvernement allemand suive toutes les propositions de M. Macron en la matière, mais nous devons enfin aborder la discussion de manière constructive, sans reproduire les débats d’hier : pas de nouvelles arguties, mais une zone euro mieux armée face aux crises, plus stable et plus démocratique. Un groupe de travail franco-allemand peut être créé à cet effet, idéalement dans les plus brefs délais. Sans vouloir anticiper sur ses résultats, nos attentes sont claires : France et Allemagne ne doivent pas agir l’une à côté de l’autre mais, résolument, l’une avec l’autre. Sans accord entre nous, il n’y aura pas d’avancée en Europe.

La partie bilatérale du nouveau Traité devrait, tout d’abord, reprendre les propositions de M. Macron : instituer une Agence commune de l’innovation de rupture et lancer un programme d’intelligence artificielle – mais surtout, parachever l’intégration des marchés de part et d’autre du Rhin, avec des règles uniques pour les entreprises, depuis le droit des sociétés jusqu’au droit des faillites. D’autres points devraient s’ajouter : des réseaux d’apprentissage et un service de l’emploi étroitement intégré, un « moteur écologique » commun pour la protection du climat, comprenant des réseaux énergétiques transfrontaliers et le développement coordonné d’infrastructures pour la mobilité électrique, et enfin, des initiatives très concrètes pour un renversement de tendance en matière d’apprentissage de la langue du partenaire.

Nous voyons une chance particulière dans la création d’un cadre institutionnel fixe pour les régions frontalières franco-allemandes, lesquelles doivent recevoir de véritables compétences afin de leur épargner, en matière de « petit trafic transfrontalier », des détours souvent fastidieux par les lointaines capitales. De l’inscription dans une crèche de l’autre pays à la lutte contre les cambriolages, les possibilités sont encore nombreuses dans ce domaine.

Ceux qui croient que la discorde au cœur de l’Europe est devenue une chimère, ceux-là se trompent. Rien de ce qui a été inscrit dans le Traité de l’Elysée n’est éternel. Tout doit être sans cesse renouvelé, et toute amitié doit être cultivée et vécue. Telle est la responsabilité des acteurs politiques de nos deux pays. Emmanuel Macron a tendu la main au nom de la France : saisissons-la !

Franziska Brantner, membre du Bundestag, a été vice-présidente du groupe d’amitié Allemagne-France durant la législature précédente ; Andreas Jung, membre du Bundestag, en a été le président ; Michael Georg Link, membre du Bundestag, a été secrétaire général pour la coopération franco-allemande en 2012 et 2013.