C’était hier. C’est aujourd’hui. Et c’est demain. Le 13 novembre 2015 a profondément et durablement changé la vie des Français. Celle des familles des 130 personnes assassinées, d’abord, au cours des multiples attentats de cette soirée. Celle des 683 blessés, dont « la vie d’après » reste souvent, deux ans plus tard, une lente et douloureuse renaissance. Celle des survivants qui n’ont pas été blessés mais qui demeurent marqués à vie, comme les agents des services de secours et personnels médicaux qui les ont accompagnés. Celle d’un pays, soumis un peu plus encore aux lois de la sécurité.

Ces attentats simultanés, revendiqués par l’Etat islamique, n’avaient guère pris la France par surprise. Au début de cette même année, les massacres de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher avaient installé le pays dans l’ère du terrorisme et de son corollaire sécuritaire, le contre-terrorisme. Les cibles étaient choisies, précises : journalistes, policiers, juifs.

Le 13-Novembre allait nous plonger dans un phénomène d’une autre dimension : le terrorisme de masse. Les cibles, cette fois, étaient aveugles. Ce n’était plus l’identité, mais le nombre qui importait. Et comme à Nice où, l’année suivante, 86 personnes seraient tuées dans la seule soirée du 14-Juillet, c’était aussi un mode de vie qui était visé. A Nice, des familles et des touristes qui célébraient la Fête nationale. A Paris, des amoureux de musique, de convivialité, de sport, de liberté. Des amoureux tout court, aussi.

Les musiciens sont revenus sur la scène du Bataclan, les terrasses des cafés sont pleines, les stades aussi. Charlie Hebdo continue de choquer, les amis de trinquer, les amoureux de s’aimer. C’est la première défaite de l’Etat islamique : ce mode de vie tant méprisé n’a pas cédé d’un pouce, pas plus que la société française ne s’est déchirée. La vie démocratique a suivi son cours, la cohésion nationale et européenne, fortement mise à l’épreuve, a tenu bon.

« L’esprit du 11-Janvier »

Qu’est-ce qui a changé ? La prégnance du terrorisme, d’abord. Il fait désormais partie de nos vies. Au quotidien, avec une organisation de la sécurité omniprésente. Au terme de près d’un an d’existence, l’état d’urgence a pris fin le 1er novembre, mais nombre de ses mesures ont été transposées dans la législation ordinaire. Le terrorisme n’est plus étranger, mais endogène. Daech a perdu son « califat » au Levant, la Syrie n’attire plus les djihadistes européens, mais des attentats continuent de se préparer au nom de cette idéologie mortifère en France, où les services de renseignement n’ont jamais été si actifs.

Ce qui a changé aussi, plus difficile à définir, est ce que l’on a appelé « l’esprit du 11-Janvier ». Ce « grand moment national », pour reprendre l’expression de Grégory Reibenberg, le patron du café La Belle Equipe, qui fut l’une des cibles du 13-Novembre, avait permis « aux Français d’avoir le dernier mot », après les tueries de janvier 2015.

Il n’y a pas eu de rassemblement similaire après le 13-Novembre, ni après Nice. La cohésion nationale a tenu bon, mais son expression est fragile. Depuis le ­13-Novembre, des proches des victimes dont la vie a été bouleversée ont entrepris avec talent – par leur engagement civique ou leur témoignage – un combat courageux pour que la mémoire de ces disparus serve une cause plus grande qu’eux : celle de la liberté et de la dignité. Ils méritent toute notre admiration. Notre attention. Notre solidarité.