« L’université ne permet pas toujours aux étudiants de créer des liens. C’est donc à eux d’élaborer les conditions favorables à cela », estime le sociologue Aziz Jellab. / CC by 2.0 Léo Parpais

Aziz Jellab, professeur de sociologie et inspecteur au sein de l’éducation nationale, est l’auteur de La Socialisation universitaire des étudiants (Recherches sociologiques et anthropologiques, 2011).

Comment se passe la sociabilisation des étudiants à l’arrivée à l’université ?

Aziz Jellab : L’enjeu est d’abord de surmonter la rupture que représente le passage du lycée à l’université. L’expérience lycéenne offre un cadre et une structure avec des amis, ainsi qu’une certaine proximité avec les professeurs. Alors qu’à l’université, c’est un monde relativement étranger, et un univers peu structuré, elle ne permet pas toujours aux étudiants de créer des liens. C’est donc à eux d’élaborer les conditions favorables à cela.

Qu’est-ce qui peut être déterminant pour la sociabilisation des étudiants ?

Certains arrivent mieux que d’autres à gérer l’équilibre entre études et vie sociale. C’est une question de décoder les différents rythmes : combien de temps consacrer aux études, à la vie sociale. Il y a ceux qui surinvestissent les relations qu’ils créent avec d’autres étudiants, et finissent parfois par se détourner de leurs études. Et d’autres, pour qui c’est plus difficile : ils manquent parfois de codes pour s’intégrer au sein de leur formation.

Par ailleurs, la sociabilité dépend du type d’études, on parle d’« effets filières » : un étudiant en Paces (première année commune aux études de sciences) par exemple, a comme objectif le concours très sélectif organisé en fin d’année, alors qu’un étudiant en sciences humaines peut profiter d’une certaine liberté car son cursus est moins structuré.

Les résidences étudiantes sont-elles plus propices à la création de lien social ?

Dans l’absolu, ces lieux de vie offrent un environnement favorable en effet : la proximité avec le lieu d’étude, les salles de travail et la cohabitation font souvent naître des liens d’entraide et de camaraderie. Mais il ne faut pas oublier que d’autres facteurs doivent être pris en compte. Par exemple, si un étudiant travaille en dehors de ses heures de cours, il sera sans doute moins disponible pour rencontrer des gens. Par ailleurs, la proximité géographique n’annule pas la diversité des filières, qui elle, implique des différences de centres d’intérêt et de rythmes.

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D’un autre côté, il faut aussi que les étudiants s’approprient leur lieu de vie. Il faut qu’ils soient organisateurs et pas infantilisés. Cela dépend de la capacité de l’organisme qui gère cela à leur donner les rênes, pour qu’ils gèrent cela eux-mêmes.