Les ministres Gérald Darmanin (comptes publics) et Bruno Le Maire (économie), à l’Assemblée nationale, le 24 octobre. / ERIC FEFERBERG / AFP

Souligner les efforts accomplis, mais se montrer prudent. C’est en substance l’attitude de Bruno Le Maire, ministre de l’économie, et de Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, qui devaient présenter, mercredi 15 novembre en conseil des ministres, le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2017. Ce dernier « collectif budgétaire » de l’année, censé permettre de boucler les finances du pays, « reste dans l’épure ce que nous avions annoncé cet été », explique-t-on au cabinet de M. Darmanin. Comme prévu, le déficit public devrait passer sous le seuil des 3 % du produit intérieur brut (PIB) cette année, pour atteindre 2,9 %. Une première depuis dix ans.

Cette performance doit beaucoup aux vents favorables qui soufflent depuis le début de l’année sur l’économie tricolore, et dopent les rentrées fiscales. Elles devraient atteindre 292 milliards d’euros en 2017, soit 2 milliards de plus que ce qui était envisagé dans le budget initial de la précédente majorité. Les recettes de TVA rapporteront ainsi près de 1 milliard d’euros de plus que prévu, et la taxe sur les carburants, quelque 0,8 milliard. Autre bonne nouvelle pour le gouvernement : les prélèvements en faveur de l’Union européenne devraient être moins importants que prévu.

En revanche, les dépenses d’investissement des collectivités territoriales pourraient peser sur le budget, estime Bercy. Les nouvelles rentrées d’argent permettent toutefois à l’exécutif d’assumer le dépassement de 8 milliards d’euros pointé l’été dernier par la Cour des comptes. Le gouvernement avait alors annoncé pour 4 milliards d’euros d’économies. Le PLFR annule 850 millions d’euros de crédits supplémentaires. Il faut en effet financer le surcoût lié aux opérations extérieures de l’armée et à l’opération « Sentinelle » (qui vont coûter 1,5 milliard d’euros pour l’année) et celui associé à des dépenses salariales dans l’éducation nationale. Il restait encore 3 milliards d’euros à trouver pour couvrir d’autres dépenses comme la prime d’activité (840 millions d’euros) ou la politique agricole (1 milliard d’euros).

Croissance à 1,7 %

Au final, le déficit de l’Etat devrait continuer de se creuser cette année (74,1 milliards d’euros contre 69,1 milliards en 2016), mais moins vite que ce que le gouvernement avait prévu lors de la présentation du projet de loi de finances 2018, en septembre dernier (76,5 milliards).

En dépit de l’embellie conjoncturelle, Bercy a finalement choisi de maintenir une prévision de croissance de 1,7 % pour cette année. Début octobre, M. Le Maire avait pourtant indiqué à l’Assemblée que celle-ci se situerait « autour de 1,8 % », ce qu’a confirmé l’Insee. « On n’a pas pour habitude à cette date de l’année de retoucher les trajectoires macroéconomiques, même si on aura probablement de bonnes surprises », justifie-t-on au cabinet de M. Darmanin.

Pour le gouvernement, qui a dû gérer dans l’urgence le fiasco de la taxe sur les dividendes, c’est aussi une manière de se laisser des marges de manœuvre : si la dynamique économique est meilleure que prévu, le ratio de déficit s’en trouvera minoré d’autant.

Sortir de la procédure européenne de déficit

« Les recettes tirées des prélèvements obligatoires en 2017 pourraient encore être légèrement supérieures à ce qui est prévu par le gouvernement », indique d’ailleurs le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le PLFR, publié mercredi, qui juge « plausible » la prévision de 2,9 % de déficit.

De quoi mettre la France sur de bons rails pour sortir de la procédure européenne de déficit excessif, qui nécessite deux années consécutives en dessous de 3 % : le gouvernement prévoit en effet 2,8 % en 2018. Le Haut Conseil reprend en revanche les critiques adressées à la France par la Commission européenne la semaine dernière sur la lenteur de la réduction du déficit structurel (hors conjoncture économique) : « L’effort structurel serait quasi inexistant en 2017 et très faible dans la prévision pour 2018 », déplore-t-il.

Le projet de loi contient également des mesures spécifiques. Il confirme la mise en place du prélèvement à la source à partir du 1er janvier 2019, soit un an plus tard que ce que le gouvernement Valls avait programmé. C’est désormais l’employeur qui prélèvera directement l’impôt sur le revenu au moment du versement du salaire, sur la base d’un taux d’imposition calculé et transmis par l’administration fiscale. La procédure devrait être simplifiée pour les entreprises. Les sanctions, en cas de déclaration erronée, seront allégées.

Par ailleurs, le texte prévoit de diviser par deux les intérêts moratoires, c’est-à-dire les intérêts dus en cas de retard de paiement par le contribuable ou par l’Etat. Ils passeront de 4,8 % à 2,4 % par an. L’objectif est de tenir compte de la baisse des taux directeurs intervenue ces dernières années, alors que l’affaire de la taxe sur les dividendes est venue rappeler le poids de ces intérêts.

Une semaine après les révélations des « Paradise Papers » sur l’évasion fiscale massive, le gouvernement renforce également la lutte contre la fraude fiscale. Le contribuable qui place de l’argent dans certains pays étrangers devra notamment prouver que ce n’est pas dans un but fiscal. Les procédures de recouvrement sont également simplifiées.

Enfin, l’exécutif anticipe le financement des Jeux olympiques à Paris en 2024. Les sommes avancées par le CIO seront garanties, pour 1,2 milliard d’euros maximum, en cas d’annulation. L’Etat va également couvrir les emprunts souscrits par le comité d’organisation.