Oakes Fegley et Julianne Moore dans « Le Musée des merveilles », de Todd Haynes. / METROPOLITAN FILMEXPORT

L’avis du « Monde » – à ne pas manquer

Découvert avec ravissement à Cannes, Le Musée des merveilles s’aventure dans le monde réel au lendemain des vacances scolaires, ce qui montre bien que son distributeur ne croit pas vraiment à sa nature de film pour enfants. Et pourtant, on ne pourrait rêver meilleur objectif de sortie. Les adultes jouiront de l’intelligence et de la culture de l’auteur, ­pendant que les enfants seront initiés avec douceur et brio aux fondements d’un art dont ils ne connaissent souvent que les manifestations les plus coûteuses et les moins subtiles.

Cette marqueterie de cinéma, par laquelle Todd Haynes assemble des époques de l’histoire de cet art, forme un labyrinthe dans ­lequel les parents soucieux craindront peut-être de lâcher des ­enfants habitués aux intrigues rectilignes de la maison Disney-Marvel. Pourquoi ne pas faire ­confiance à l’esprit d’aventure des plus jeunes spectateurs ? Ils sont tout à fait en mesure de mettre leurs pas dans ceux de deux héros qui vivent des histoires distinctes qui ne sont, au début du film, réunies que par de mystérieuses correspondances.

Lire la critique parue lors du Festival de Cannes : « Wonderstruck », deux grandes désespérances

En 1977, dans le Minnesota, Ben (Oakes Fegley), un garçon de 12 ans qui vient de perdre sa mère ­ (Michelle Williams, bouleversante comme à son habitude) est frappé de surdité après un accident. Ce coup du sort le décide à partir pour New York à la recherche d’un père qu’il n’a jamais connu.

Deux odyssées dans la ville

Cinquante ans plus tôt, à Hoboken (New Jersey), Rose (Millicent Simmonds), une enfant de 12 ans aussi, sourde de naissance, voit avec terreur approcher la fin du cinéma muet dont sa mère, Lilian (Julianne Moore, que l’on retrouvera à la fin du film dans un autre rôle, plus consistant), fut une star. Maltraitée par son père, négligée par sa mère, Rose traverse l’Hudson pour rejoindre Manhattan.

Plus le film avance, plus le scénario de Brian Selznick, l’auteur de L’Invention de Hugo Cabret, multiplie les motifs communs aux deux odyssées. Rose est filmée en noir et blanc et l’on n’entend que la musique de Carter Burwell qui accompagne ses tribulations. Ben, lui, a les couleurs éclatantes et parfois inquiétantes du Nouvel Hollywood. Et pourtant, dans leur difficulté à se faire entendre et même voir, dans leur faculté d’émerveillement, ils sont liés par une force que le scénario découvrira avec la solennité que méritent les révélations faites aux enfants.

Il n’y a pas d’autres effets spéciaux que ceux nés de l’esprit de Todd Haynes

Dans le même mouvement, Haynes utilise les décors que traversent ses jeunes personnages pour en faire l’expression de leur regard sur le monde. Ben et Rose ne sont pas pusillanimes : sous leurs yeux, la grande ville ­devient une maquette, le ­Muséum d’histoire naturelle une instance magique. Il n’y a pas d’autres ­effets spéciaux que ceux qui sont nés de l’esprit du bricoleur délicat qu’est Todd Haynes, et pourtant, ce film est plus magique que ceux qui ont mobilisé des ­ordinateurs gros comme ceux du Pentagone.

LE MUSEE DES MERVEILLES - Bande Annonce - VF (SME)
Durée : 02:28

Film américain de Todd Haynes. Avec Oakes Fegley, Millicent Simmonds, Jaden Michael, Julianne Moore (1 h 56). Sur le Web : www.metrofilms.com/films/wonderstruck et www.wonderstruckmovie.com