Le vison d’Europe (Mustela lutreola) est désormais en danger critique. / J. Steinmetz (ONCFS)

Sombre nouvelle sur le front de la biodiversité. La liste rouge des espèces menacées de disparition, actualisée, mercredi 15 novembre, par le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), fait apparaître que depuis le premier état des lieux, établi en 2009, la situation s’est fortement dégradée pour les mammifères terrestres et marins vivant en France métropolitaine.

Sur les 125 espèces examinées dans l’Hexagone (103 continentales et 22 marines), 17 sont désormais classées comme « menacées » – une catégorie qui regroupe trois niveaux, « en danger critique », « en danger » et « vulnérable » –, tandis que 24 sont considérées comme « quasi menacées », ce qui signifie qu’elles sont proches du seuil critique. Ce sont ainsi 33 % des espèces terrestres et 32 % des espèces marines qui sont aujourd’hui jugées en péril, alors que les taux étaient respectivement de 23 % et de 25 % voilà huit ans.

Une espèce de mammifère sur trois est menacée ou quasi menacée en France métropolitaine. / UICN/MNHN

L’inventaire détaille les multiples facteurs qui mettent en danger la vie sauvage. « Le vison d’Europe (Mustela lutreola) devient l’un des mammifères les plus menacés de France », soulignent ainsi l’UICN et le MNHN. Avec une population aujourd’hui estimée à moins de 250 individus, ce mustélidé est passé du statut « en danger » à celui d’« en danger critique ». Cela, en raison de la destruction des zones humides où il évolue et de la concurrence exercée par le vison d’Amérique (une espèce importée pour sa fourrure qui s’est multipliée en France), mais aussi de piégeages accidentels, de collisions routières et d’empoisonnements indirects. L’animal « nécessite d’urgence un renforcement des actions [de protection] pour éviter sa disparition », préviennent les deux organismes.

Ours, loup et lynx restent menacés

D’autres espèces apparaissent comme des « victimes collatérales de l’intensification des pratiques agricoles ». C’est le cas du putois d’Europe (Mustela putorius) et du lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus), qui pâtissent de la destruction du bocage et des haies due aux remembrements. C’est aussi celui de musaraignes comme la crocidure leucode (Crocidura leucodon), ou de chauves-souris comme la pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus), qui subissent indirectement les conséquences de l’usage de pesticides décimant les insectes dont elles se nourrissent.

Une chauve-souris, à Prague, en 2009. / MICHAL CIZEK / AFP

Le sort des grands carnivores, ours, loup et lynx, retient particulièrement l’attention, tant ces espèces emblématiques sont sources de tensions avec les éleveurs. Tous trois restent classés menacés « en raison de leurs effectifs réduits, même si la population des deux premiers est en augmentation », indiquent les auteurs de la liste rouge. En effet, « malgré leur protection, ils demeurent la cible de braconnage, du fait des conflits d’usage que leur présence suscite », ce qui appelle « une action résolue et une concertation plus volontariste coordonnée par les pouvoirs publics ».

Pour la grande famille des chauves-souris, juqu’alors surtout affectées par l’intensification des pratiques agricoles et l’exploitation forestière, surgissent de nouvelles menaces, liées « aux mesures de lutte contre le changement climatique ». Les deux organismes en prennent pour exemples « les opérations de rénovation et d’isolation des bâtiments, qui entraînent la disparition des gîtes qu’elles affectionnent », ou encore « le développement du secteur éolien, touchant particulièrement les espèces migratrices victimes notamment de collisions avec les pales ». Le molosse de Cestoni (Tadarida teniotis), sujet voilà huit ans de « préoccupation mineure », est désormais « quasi menacé », tandis que la noctule commune (Nyctalus noctula) est passée du statut de « quasi menacé » à « vulnérable ».

Multiples pressions sur les mammifères marins

Quant aux mammifères marins, ils sont « sous le coup de multiples pressions, incluant la pollution sonore due au trafic maritime et aux sonars militaires, les pollutions chimiques, les captures accidentelles liées à l’utilisation de filets maillants ou de chaluts pélagiques, et la surpêche réduisant leurs ressources alimentaires ». Ainsi en va-t-il pour le cachalot (Physeter macrocephalus), désormais considéré comme « vulnérable », ou pour le phoque veau-marin (Phoca vitulina), « quasi menacé ». L’UICN et le MNHN notent toutefois que pour plus d’un tiers des espèces de cétacés, les données sont insuffisantes pour renseigner sur l’état des populations.

Quelques – rares – succès de conservation montrent pourtant que les efforts peuvent être couronnés de succès. « La loutre d’Europe (Lutra lutra) et le bouquetin des Alpes (Capra ibex) sont de bons exemples de progrès réels obtenus grâce à une action efficace des pouvoirs publics et des associations de protection de la nature », indiquent les auteurs. La première, en situation précaire il y a quelques décennies, a recolonisé de vastes secteurs dans la plupart des régions. Le second, qui avait presque disparu de l’arc alpin français, a repeuplé plusieurs départements. Le bouquetin ibérique (Capra pyrenaica) pourrait être le prochain à sortir de la liste rouge des espèces menacées, grâce au programme de réintroduction mis en œuvre depuis 2014 dans les Pyrénées.

« Pour inverser la tendance négative constatée, il apparaît indispensable d’enrayer la dégradation des milieux naturels, de restaurer les zones humides et les bocages et d’agir pour le maintien de zones d’agriculture extensive, préconisent l’UICN et le MNHN. Il est aussi essentiel de veiller à concilier transition énergétique et préservation de la biodiversité, afin de répondre au défi du changement climatique tout en sauvegardant les espèces et leur environnement. »