Des agents d’Eulex, le 12 novembre à Mitrovica. / SASA DJORDJEVIC / AFP

La démission de Malcolm Simmonsest le deuxième scandale d’ampleur que doit affronter Eulex depuis sa création en 2008. L’organisme européen chargé de superviser la police et la justice kosovares et de traiter les dossiers de corruption et de crimes de guerre les plus sensibles avait déjà été secoué en 2014 par les accusations d’une procureure britannique, Maria Bamieh, qui avait critiqué plusieurs de ses collègues pour avoir accepté des pots-de-vin afin de bloquer des dossiers sensibles. Elle avait été mise à pied à l’issue de ces accusations.

L’Union européenne avait mandaté un expert français qui avait reconnu que « l’affaire a été traitée d’une manière déplorable, par-dessus la jambe », mais sans forcément de volonté d’enterrer ces accusations. Eulex a classé sans suite cette affaire en 2016, en affirmant qu’il n’y avait aucune preuve. Sollicitée par Le Monde, la porte-parole du service européen pour l’action extérieure rejette aujourd’hui les accusations de M. Simmons en assurant qu’une enquête a été ouverte « cet automne, conformément au code de conduite et de discipline ». Elle a été confiée à un ancien juge de la cour de justice de l’Union européenne, Aindrias O Caoimh. « Il a demandé à M. Simmons de fournir toutes les preuves en sa possession, mais il ne l’a malheureusement toujours pas fait », assure cette porte-parole.

M. Simmons refuse de transmettre les preuves en contestant l’indépendance de cette enquête, car ses résultats seront soumis à ses supérieurs et non à Federica Mogherini, la repré­sentante de l’Union européenne pour les affaires extérieures.

Ambiance délétère

Cette nouvelle affaire dénote l’ambiance délétère qui règne au sein d’Eulex entre les juges. A Bruxelles, on estime ainsi que M. Simmons aurait proféré ces accusations à la suite de plaintes contre lui formulées par deux de ses collègues, ce qui aurait entraîné une convocation devant le comité de discipline d’Eulex… De quoi ternir un peu plus la réputation de cet organisme européen déjà régulièrement accusé de fermer les yeux sur les dossiers de corruption les plus sensibles au nom de la stabilité d’un Etat encore fragile. A tel point qu’Eulex et ses 800 employés internationaux aux rémunérations généreuses donnent parfois l’impression d’avoir adopté les pratiques ­locales, plutôt que de véritablement lutter contre.

« On ne peut pas avoir la même mission qui conseille le ministre de la justice du Kosovo et le lendemain le procureur de cette mission qui arrête ce ministre », avait déjà dénoncé en 2015 Andrea Lorenzo Capussela, un ancien fonctionnaire inter­national en poste au Kosovo. La mission et son budget de 63 millions d’euros courent jusqu’en juin 2018. Mais en 2014, son importance a été réduite. Depuis, elle doit se limiter à soutenir les juges et les inspecteurs kosovars et à se saisir uniquement de certains dossiers les plus sensibles. Selon les derniers chiffres disponibles, les juges d’Eulex ont prononcé 620 verdicts depuis 2008. Mais aucun dirigeant politique kosovar d’importance n’a été condamné pour corruption.