Les partis politiques catalans ont jusqu’au samedi 18 novembre pour transmettre la liste de leurs candidats aux élections régionales du 21 décembre, les quatrièmes en sept ans. Convoqué par Madrid après la déclaration unilatérale d’indépendance du 27 octobre, ce scrutin est un défi pour toutes les forces politiques en présence, et pourrait mobiliser les Catalans de façon inédite.

  • Comment fonctionnent les élections régionales ?

Comme en France, il existe en Espagne différents échelons administratifs et politiques : les municipalités, les provinces, les communautés autonomes et l’Etat.

Les élections régionales permettent aux dix-sept communautés autonomes espagnoles de désigner leur Parlement régional et, indirectement, leur exécutif. Elles ont normalement lieu tous les quatre ans, mais la Catalogne – comme certaines autres communautés autonomes – a la possibilité de convoquer des élections anticipées : ce fut notamment le cas en 2012, 2015 et 2017.

Le vote s’organise par provinces – quatre en Catalogne – selon un mode de scrutin proportionnel qui permet de désigner 135 députés. Selon Hubert Peres, professeur de science politique à l’université de Montpellier (Hérault) et spécialiste de l’Espagne, « ce système est favorable aux partis nationalistes catalans ».

En effet, le nombre de députés n’est pas exactement proportionnel à la population des provinces et celles où le vote indépendantiste est fort sont surreprésentées. « La province de Barcelone, qui représente environ 75 % de la population catalane et où le vote nationaliste est moins important, ne désigne que 62 % des députés », précise M. Peres.

  • Traditionnellement, les Catalans se mobilisent-ils pour les élections régionales ?

Malgré l’importance du sentiment nationaliste catalan, les élections régionales ont longtemps été bien moins mobilisatrices que les élections générales, qui permettent de désigner les députés et les sénateurs. Jusqu’aux élections générales de 2011 et aux élections régionales de 2012, les Catalans votaient bien plus massivement pour les premières que pour les secondes.

Aux élections générales, la moyenne de la participation s’élevait, jusqu’alors, à 70 %, avec un minimum de 65,2 % en 2011. Pour les élections régionales, la moyenne se situait dix points au-dessous, à peine à 60 %. Mais la tendance s’inverse clairement en 2012.

« La polarisation du débat autour de la possibilité d’un référendum d’indépendance de la Catalogne a fait prendre conscience aux Catalans de l’importance de ces élections régionales », assure Hubert Peres, pour qui la participation sera un enjeu majeur le 21 décembre. « Un regain de participation serait favorable aux anti-indépendantistes, ajoute-t-il. Ils se mobilisent traditionnellement moins pour les élections régionales mais ils ont compris que le résultat de ces élections pourrait avoir pour conséquence, à terme, une réelle indépendance de la Catalogne. »

  • Quelles sont les principales forces politiques en Catalogne ?

Dans le camp des anti-indépendantistes, on retrouve notamment les partis nationaux traditionnels : le Parti des socialistes catalans (PCS, fédération catalane du Parti socialiste ouvrier espagnol, PSOE) et le Parti populaire (PP). Le premier a longtemps été une force politique importante en Catalogne, tandis que le second, fréquemment associé au franquisme par les Catalans, enregistre habituellement de faibles résultats dans la région (entre 5 % et 13 % des voix).

Mais c’est le parti centriste Ciudadanos qui représente la première force d’opposition. Créé en 2006 en réaction aux mouvements indépendantistes, il a enregistré une impressionnante progression de voix en 2015.

Face à eux, le camp indépendantiste balaye le champ politique de gauche à droite. A gauche, Candidatures d’unité populaire (CUP), parti indépendantiste d’extrême gauche qui s’est présenté aux élections régionales pour la première fois en 2012 ; et la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), parti du vice-président destitué, Oriol Junqueras, qui se revendique aujourd’hui premier parti nationaliste en Catalogne.

A droite, on trouve notamment le Parti démocrate européen catalan (PDeCAT), qui a remplacé le parti Convergence démocratique catalane (CDC) en 2016. Dirigé par Artur Mas, qui avait promis aux Catalans le référendum d’autodétermination, il est le premier parti catalan depuis 1977. Carles Puigdemont, président destitué de la Catalogne, appartient à cette formation.

En 2015, la ERC et la CDC – notamment – forment une liste commune, Junts pel Si (Ensemble pour le oui), qui arrive en tête des élections régionales. Alliés à la CUP, ils parviennent à obtenir la majorité absolue en termes de sièges.

  • Les Catalans ont-ils toujours voté pour des partis indépendantistes ?

Au niveau national, non. Jusqu’en 2011, le Parti socialiste catalan arrivait largement en tête des élections générales, alors même qu’une coalition nationaliste présentait des candidats. Cette dernière n’a devancé les socialistes qu’en 2011. Mais en 2015, la coalition menée par Podemos – qui s’oppose à une déclaration d’indépendance unilatérale mais plaide pour une réforme de la Constitution – est arrivée largement en tête des élections générales, suivie par la gauche républicaine ERC.

Les résultats régionaux, en revanche, sont très différents. La coalition nationaliste de centre-droit Convergence et union (CiU) formée par la CDC (devenue PDeCAT) et l’Union démocratique de Catalogne (UDC) a dirigé la Catalogne de 1980 à 2003, puis à nouveau de 2010 à 2015, année où elle a été dissoute.

Mais « cette coalition a longtemps été plus autonomiste qu’indépendantiste », assure Hubert Peres. La CDC n’a entamé son virage indépendantiste qu’en 2012, ce qui a conduit à sa rupture avec son allié l’UDC, nationaliste beaucoup plus modéré.

« Les seuls à ne jamais avoir varié sur leur position au sujet de l’indépendance, c’est l’ERC », explique l’universitaire. Pour lui, ce parti a refusé de présenter une liste commune avec le PDeCAT car il entend occuper le premier plan de la future coalition indépendantiste – nécessaire de toute façon si les nationalistes veulent gouverner.