Documentaire sur Arte à 00 h 00

Garçons aux cheveux longs, musique planante, apologie de l’amour libre, du voyage sans entraves et des drogues plus ou moins douces ne font, a priori, pas bon ménage avec la défunte Union soviétique. Et pourtant, cet étonnant documentaire de Terje Toomitsu rappelle que le rideau de fer qui coupait l’Europe en deux n’a pas empêché, dans les années 1960 et 1970, le ­développement sur le territoire soviétique d’une contre-culture dont les hippies furent des ­éléments moteurs.

A la grande époque du Flower Power et du peace and love, des mouvements alternatifs et bohèmes ont, en effet, tenté de vivre autrement, des républiques baltes à Moscou, de Leningrad à Kiev. « Officiellement, à cette époque, il n’y avait pas de sexe, pas de hippies en URSS. Les gens étaient devenus des zombies », lance l’un des nombreux témoins interrogés dans ce documentaire, qui donne aussi à entendre des groupes peu connus en Occident, comme Akvarium, Väntorel, Ornament ou Rossiyane.

Fils de bonne famille

« Un homme portant une barbe, c’était déjà suspect. Mais un barbu avec des cheveux longs, ce n’était plus un homme. Chaque sortie était comme un départ pour le front : on se faisait tabasser, les miliciens ­lâchaient parfois leurs chiens sur nous », se rappelle un vieux hippie. Comme souvent, les premiers à tenter l’expérience de la marginalité furent des jeunes issus de ­familles influentes. « Ils pouvaient se le permettre. En cas d’arrestation, leurs parents leur évitaient le pire. » Un système d’entraide discret mais efficace permettait aux hippies voyageurs de trouver un toit aux quatre coins du territoire.

Le 1er juin 1971, une manifestation, en principe autorisée par le Kremlin, a lieu à Moscou. Les hippies viennent nombreux protester contre la guerre au Vietnam. Mais avant qu’ils parviennent ­devant l’ambassade américaine, les policiers chargent soudainement. La radio Voice of America parlera de 3 000 arrestations. Dans les jours qui suivent, plusieurs ­militants sont licenciés ou interdits de cours. Un jeune se suicide. ­Chaque 1er juin dans un parc de Moscou a lieu le rassemblement ­annuel des hippies, venus faire la fête et rendre hommage aux ­manifestants de 1971. « On se permettait d’être libre à une époque où tout le monde marchait au pas. »

Des hippies chez les Soviets, de Terje Toomitsu (Allemagne, 2016, 52 min).