Les panneaux d’affichage installés dans l’espace de négociations ne se risquent plus à préciser l’horaire de l’assemblée de clôture. Mauvais signe, les débats de la conférence climat, la COP23, vont se prolonger tard dans la soirée, vendredi 17 novembre, à Bonn. Samedi matin, la session de clôture était toujours en cours.

Les délégués des 196 pays de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), les observateurs et les journalistes réunis dans la cité rhénane – près de 22 000 participants au total – ont l’habitude de ces retards à répétition. Chaque année, les Etats prennent un malin plaisir à entretenir le suspense pour démontrer, ou pour donner l’impression, qu’ils négocient pied à pied, jusqu’au dernier moment.

Cette première COP présidée par une petite nation insulaire, les Fidji, mais dont l’Allemagne a accepté d’assurer la logistique et l’accueil, ne fait pas exception. L’édition suivante se déroulera en décembre 2018 à Katowice, en Pologne. C’est dans cette ville de Silésie, qui vit toujours au rythme de l’activité charbonnière, que devront être finalisées les dispositions du « Rule Book », le guide de mise en œuvre de l’accord de Paris conclu en décembre 2015 dans l’espoir de limiter le réchauffement de la planète sous le seuil des 2 °C. La communauté internationale devra notamment finaliser les règles de transparence des données échangées par les pays, de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre, de suivi des finances climat…

D’ici là, les parties prenantes de la CCNUCC échangeront leurs points de vue à l’occasion de leur intersession de printemps, mais aussi à chaque étape du « dialogue de Talanoa » qu’a réussi à imposer la présidence fidjienne, pour jalonner l’année 2018.

« Le dialogue de Talanoa n’est pas seulement une opération de “storytelling” pour l’opinion publique, insiste Raijeli Nicole, directrice de la région Pacifique pour l’ONG Oxfam. Chez nous aux Fidji, c’est un processus politique très important, dans lequel chacun peut s’asseoir autour de la table, avec un esprit d’équité et la volonté d’aboutir à des résultats. »

Transition vers l’agroécologie

Il a pourtant fallu plusieurs interruptions de séance et des conversations informelles à huis clos, vendredi, pour parvenir à un accord sur les contours de ce dialogue. Car cette COP sans grand relief n’a pas été pour autant un long fleuve tranquille. La première semaine de négociations a vu ressurgir les divisions entre pays développés et pays en développement intrinsèques à l’histoire de la CCNUCC, en particulier autour de vieilles promesses financières des nations industrialisées.

Les pays du Sud leur ont notamment demandé de respecter les objectifs de réduction d’émissions fixées par le protocole de Kyoto, dont la deuxième phase d’engagement – pour la période 2013-2020 – n’a toujours pas obtenu le nombre de ratifications nécessaire pour entrer en vigueur.

Vendredi, la coalition des petites îles a manifesté sa « profonde préoccupation quant au rythme de leurs efforts internationaux ». Les Etats insulaires, et plus largement les pays les plus vulnérables aux impacts du réchauffement climatique, ne se satisfont pas des concessions obtenues dans le dossier des pertes et dommages – provoqués par les ouragans, les inondations, ou des phénomènes plus lents comme la montée des eaux, la salinisation des terres agricoles, etc. Les délégués de la COP23 ont certes accepté la tenue d’un « dialogue d’experts » sur le sujet en 2018, mais aucune perspective ne permet d’envisager, à terme, un financement de ce mécanisme.

Réclamé depuis six ans, un programme de travail sur l’agriculture et la sécurité alimentaire fait par ailleurs son apparition dans les négociations climatiques. Les ONG jugeaient ce sujet crucial alors que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) rappelait encore il y a quelques semaines que les dérèglements climatiques étaient une des principales causes de la faim dans le monde.

« Il est essentiel de réduire les émissions de l’agriculture industrielle et d’opérer une transition vers l’agroécologie paysanne, réagit Anne-Laure Sablé du CCFD-Terre Solidaire. Mais nous serons vigilants à ce que les fausses solutions n’envahissent pas ces futures discussions. »

« Neutralité constructive »

Les plus optimistes retiendront aussi qu’en dépit du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, annoncé le 1er juin par Donald Trump, le deuxième plus gros émetteur mondial après la Chine n’a pas fait obstruction aux négociations. La délégation dépêchée à Bonn par Washington a conservé une attitude de « neutralité constructive », assure même Barbara Hendricks, la ministre allemande de l’environnement.

L’ancienne chef négociatrice de la France, Laurence Tubiana, a vu durant cette COP « les coalitions se structurer de plus en plus ». Un mode de gouvernance dont l’accord de Paris a posé les principes, insiste l’actuelle directrice générale de la European Climate Foundation.

« L’Alliance pour la sortie du charbon » est la dernière coalition en date. Lancée le 16 novembre par le Royaume-Uni et le Canada, elle compte parmi ses membres l’Angola, la Belgique, la Finlande, la France, l’Italie, les îles Marshall, le Portugal, le Salvador, mais aussi plusieurs Etats américains et provinces canadiennes – Washington, Alberta, la municipalité de Vancouver en Colombie-Britannique…

Acteurs étatiques et non étatiques se sont engagés à éliminer graduellement leurs centrales au charbon, suivant des calendriers différents (2021-2022 pour la Nouvelle-Zélande, la France, mais 2030 pour le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou le Canada). Les membres de cette alliance ne représentent malgré tout, pour le moment, qu’une faible part de la consommation charbonnière mondiale, concentrée en Chine, en Inde et en Asie du Sud-Est.