Quatre personnes ont été retrouvées mortes, dimanche 19 novembre, dans le bidonville de Mathare, au nord-est de la capitale kényane. Ces événements ont provoqué des échauffourées, alors que la police se déployait sur place. / Brian Inganga / AP

Après plusieurs semaines de calme, les tensions se ravivent au Kenya à mesure que se rapproche la décision de la Cour suprême sur la validité de la deuxième élection présidentielle, qui a vu, fin octobre, la victoire du chef d’Etat sortant, Uhuru Kenyatta. Deux jours après la mort de trois manifestants, en marge d’un rassemblement de l’opposition accompagnant le retour à Nairobi de l’opposant Raila Odinga, quatre personnes ont été retrouvées mortes, dimanche 19 novembre au matin, dans le bidonville de Mathare, au nord-est de la capitale kényane.

Les circonstances de ces morts restent floues. Abritant plusieurs communautés, dont les Luo, fidèles à Raila Odinga, Mathare fut l’un des principaux théâtres des violences qui ont entraîné la mort d’au moins 52 personnes depuis le mois d’août, selon un décompte de l’AFP.

Selon des habitants de Mathare et la coalition d’opposition NASA, les meurtres de dimanche constituent des crimes ethniques visant les Luo. Ils accusent les Mungiki, des gangs armés kikuyu, l’ethnie du président sortant Uhuru Kenyatta, d’en être les responsables.

Cette version est démentie par le chef de la police de Nairobi, Japheth Koome, pour qui ces morts sont le résultat d’actes de criminalité commune. Fin octobre, des violences avaient également fait plusieurs morts à Kawangware, un autre bidonville, sans qu’il soit possible de déterminer clairement s’il s’agissait de violences interethniques.

Fortes tensions à Mathare

Quelle que soit leur cause, ces événements ont provoqué de fortes tensions à Mathare où des échauffourées ont éclaté – des bus ont été brûlés – alors que la police se déployait sur place. « Les gens veulent se venger, a témoigné un habitant de Mathare contacté par téléphone. Il y a énormément de police sur les principales artères, ils ont blessé notre député. »

L’élu NASA Anthony Oluoch aurait, selon ce témoin, été touché par balle à la jambe lors d’une intervention de la police concomitante à la visite sur place de Raila Odinga, venu avec d’autres figures de l’opposition rencontrer les habitants.

« Tout ceci devrait être empêché le plus fermement possible, a déclaré Raila Odinga, le leader luo de 72 ans, lors d’une conférence de presse improvisée plus tard à l’hôpital de Nairobi, où le député a été transporté. M. Odinga a déclaré avoir constaté la mort de quinze autres supporteurs, samedi, à la morgue de Nairobi (un chiffre dont aucune agence de presse n’a fait état).

« Tout ceci pousse le pays vers le précipice, a-t-il poursuivi en une référence explicite aux violences de 2007-2008. Nous avons clairement besoin que la communauté internationale intervienne, sans quoi il y aura une crise dans ce pays. »

Recours sur le fait que 25 circonscriptions n’ont pas voté

Ce regain de tension précède de quelques heures la décision très attendue de la Cour suprême kényane quant à la validité du deuxième scrutin présidentiel, qui s’est tenu le 26 octobre et a vu Uhuru Kenyatta déclaré vainqueur avec 98 % des voix.

La plus haute juridiction du pays, présidée par le juge David Maraga, avait créé la surprise en annulant, début septembre, la première élection du 8 août. Cette décision, historique en Afrique, a plongé le Kenya dans une grave crise politique.

Organisé dans l’urgence, sous de multiples pressions, le scrutin a été décrédibilisé par la Commission électorale elle-même et boycotté par l’opposant Raila Odinga, dont les partisans ont boudé les urnes.

Deux recours ont été déposés par des membres de la société civile et un ancien député. Ils attaquent notamment le fait que 25 circonscriptions n’ont pas voté, ce qui est contraire à la loi kényane.

En cas de validation par les juges de ce nouveau vote, la cérémonie d’investiture d’Uhuru Kenyatta pourrait théoriquement se tenir dès mardi 21 novembre. Dans le cas contraire, le Kenya, qui a touché ces derniers mois aux limites de son système politique et institutionnel, s’enfoncera, à coup sûr, dans une crise plus profonde encore.