Des adieux loin des caméras et des micros qu’il n’a jamais beaucoup appréciés. Dimanche 19 novembre, François Fillon a tenu un discours à la Maison de la chimie à Paris devant les adhérents de Force républicaine, son micro-parti, lancé en 2002 et qui lui a servi de base arrière jusqu’à sa victoire à la primaire de la droite, en 2016. L’intervention de l’ancien premier ministre, retiré de la vie politique et mutique depuis sa défaite au premier tour de l’élection présidentielle, s’est déroulée à huis clos, mais le texte a été transmis aux médias et les images diffusées sur Facebook.

L’ancien candidat y exprime d’abord sa reconnaissance envers ses partisans de la première et de la dernière heure. « Vous m’avez encouragé lorsque je traversais le désert des sondages, vous m’avez soutenu lors de mon échappée victorieuse aux primaires de la droite, vous m’avez protégé dans la tempête des présidentielles. (…) Vous ai-je assez remercié ? Je le fais à nouveau aujourd’hui avec une très profonde gratitude », a déclaré M. Fillon avant de prévenir : « Je ne suis pas là pour régler des comptes où remettre quelques pendules à l’heure… Je n’en ai ni le cœur, ni d’ailleurs le droit. Dans la défaite, le chef se retire sans chercher d’excuses, et sans donner de leçons. »

Des messages politiques mais pas de reniement

Après sa campagne présidentielle émaillée par les affaires, l’ancien premier ministre n’a donc pas réglé ses comptes. Mais il a glissé quelques messages politiques à destination de la droite et d’Emmanuel Macron. « Certains estiment qu’il n’y a plus de clivages, qu’il n’y aurait plus, en définitive, qu’une seule politique possible. (…) Entre le pouvoir actuel et les extrêmes, il serait insensé et inquiétant de laisser s’installer un vide politique et intellectuel », a-t-il estimé en se disant convaincu que son parti Les Républicains (LR) « va se ressaisir » et que Force républicaine peut être « un socle utile » à la droite.

Au fil de son discours, l’ancien candidat n’a presque pas évoqué les affaires mais a continué à assumer son programme présidentiel. Il a une nouvelle fois défendu son projet économique de « redressement national », se posant en héraut des « valeurs » avec des expressions qui ressemblent à celles de ses discours du printemps. Par exemple lorsqu’il a réhabilité le « récit national tout juste chuchoté alors que la fierté collective est la source de notre union ».

« J’ai souvent eu l’occasion de vous parler de la France, de ses racines, de son patrimoine. Certains ont cru déceler dans mes propos les vestiges d’un passé révolu. Ils avaient tort, ils auront toujours tort », a-t-il estimé avant de critiquer le laxisme républicain : « Dans nos cités, voyous et intégristes fixent leurs règles (…). La France n’est pas un puzzle, une juxtaposition de clans, de ghettos. » Ou de mettre en garde les générations futures contre les dérives de la science : « Nous ne sommes ni des cibles marketing, ni les cobayes d’un futur sans âme. »

« On m’a reproché parfois d’être radical dans mes propositions. Je l’ai été et je vous invite à le rester parce qu’on ne relèvera pas notre nation avec des ajustements », a-t-il encore lancé.

Transmission de témoin

Toujours inquiet des turbulences du monde et de l’éloignement de la Russie – « Il ne faudrait pas qu’à la guerre contre le totalitarisme islamique s’ajoute un affrontement géopolitique » –, l’ancien premier ministre a terminé son discours par une touche d’optimisme. « Pas de regrets, pas de soupirs, vous allez, avec Bruno et les élus ici présents, vous réinventer, vous redresser, vous allez écrire une nouvelle page », a-t-il dit.

Car l’objectif de cette intervention était surtout de transmettre le témoin à Bruno Retailleau, « un homme de valeur, au singulier et au pluriel », « fidèle », « solide », « intelligent », selon les mots de M. Fillon. L’ancien coordinateur de la campagne présidentielle va présider Force républicaine alors que M. Fillon va continuer à se tenir à l’écart des enjeux partisans.

« La France est une passion fiévreuse et la politique peut vous détruire », a-t-il déclaré à la fin de son discours : « Il faut savoir se rendre utile différemment. Il faut savoir prendre du recul. C’est ce que je fais en redevenant un citoyen, un citoyen qui n’oublie rien, qui ne renie rien, mais surtout un citoyen parmi vous, qui aime son pays et qui, du fond du cœur, vous dit merci. »

« Il aimerait bien être discret »

Au lendemain de son élimination au premier tour, M. Fillon avait déjà indiqué devant les responsables de son parti qu’il abandonnait la vie politique. « Ce combat [des élections législatives], il est désormais entre vos mains. Je n’ai plus la légitimité pour le livrer avec vous. Je vais redevenir un militant de cœur parmi les autres. Je vais devoir penser ma vie autrement, panser aussi les plaies de ma famille », avait déclaré l’ancien premier ministre, le 24 avril, lors du bureau politique de LR.

Le 22 août, la vie du Sarthois avait pris un nouveau virage. La société de gestion d’actifs et d’investissement Tikehau Capital avait annoncé son intégration en tant qu’associé. Selon son entourage, M. Fillon est très épanoui dans cette nouvelle vie, il « apprend et voyage beaucoup ». Et il apprécie peu les différents articles sur lui. « Par rapport à son nouvel employeur, il aimerait bien être discret », confie un de ses proches. Il travaille également à la constitution d’une fondation pour défendre les chrétiens d’Orient.

Un livre entre parenthèses

Malgré son désir de disparaître de la vie publique, l’ancien candidat devrait encore apparaître dans l’actualité à son corps défendant. Son ex-directeur de campagne, Patrick Stefanini, s’apprête à sortir un livre, Déflagration. Dans le secret d’une élection impossible (Robert Laffont), dont les bonnes feuilles paraîtront jeudi. L’ancien lieutenant, qui avait démissionné de la campagne, le 3 mars, sera l’invité de plusieurs médias et racontera les coulisses du désastre du printemps.

Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, devrait aussi raconter sa version de la campagne dans un ouvrage. Deux publications dans lesquelles M. Fillon n’apparaît pas forcément à son avantage, selon les premiers échos.

L’ancien premier ministre avait prévu, lui aussi, d’écrire un livre mais ce projet a été mis entre parenthèses « jusqu’à la fin de la procédure judiciaire », selon son entourage. L’ancien député reste mis en examen dans l’enquête sur les soupçons d’emplois fictifs qui ont précipité sa chute lors de l’élection présidentielle.