Enfants vivant dans des bidonvilles, mineurs étrangers isolés… Le Défenseur des droits souligne, lundi 20 novembre, les situations « alarmantes » de certains enfants vulnérables en France. Elles appellent selon lui « des réactions urgentes » des pouvoirs publics.

Dans leur rapport annuel sur les droits de l’enfant, Jacques Toubon et la Défenseure des enfants, Geneviève Avenard, évaluent la mise en œuvre des recommandations faites en février 2016 par un comité de l’ONU, qui avait épinglé la France sur plusieurs sujets. « Certains progrès » ont été faits, estiment les auteurs à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant.

  • Inquiétude sur l’accueil des jeunes migrants

M. Toubon et Mme Avenard s’inquiètent des récentes annonces du gouvernement sur la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA), ces jeunes migrants arrivant sans famille en France. Le gouvernement a récemment annoncé sa volonté de confier à l’Etat l’accueil d’urgence et l’évaluation de l’âge de ces jeunes « jusqu’à ce que leur minorité soit confirmée », mission qui relève actuellement des départements, chargés de la protection de l’enfance.

Ce « transfert de compétences » fait craindre au Défenseur que s’installe « un dispositif dérogatoire au droit commun, qui tendrait à considérer ces jeunes d’abord comme des étrangers, avant d’être des enfants à protéger ».

  • Des expulsions de bidonvilles sans solution de relogement

M. Toubon et Mme Avenard se préoccupent également de la situation d’enfants vivant dans des bidonvilles, notamment des roms, dont les familles font fréquemment l’objet de procédures d’expulsion, « le plus souvent pas accompagnées de solutions de relogement ». « Pour les enfants, les conséquences sont particulièrement graves », avec des risques de déscolarisation, et de rupture dans l’accès à la santé.

Concernant les familles en situation de précarité, le Défenseur des droits regrette le recours croissant à l’hébergement à l’hôtel, solution « inadaptée à l’accueil d’enfants ». Deux ans après son lancement, un plan gouvernemental de réduction des nuitées hôtelières n’est « pas suffisamment développé ».

  • Des progrès concernant la pauvreté et la santé

Parmi les progrès effectués, les auteurs saluent, dans les premiers mois du nouveau quinquennat, le volet spécifique de la stratégie nationale de santé consacré aux enfants, et l’annonce en octobre d’un futur plan de lutte contre la pauvreté axé notamment sur les enfants et les jeunes.

Ils apprécient également, parmi les mesures prises pendant la précédente mandature, la réforme de la protection de l’enfance de 2016 ou le premier plan pluriannuel de lutte contre les violences faites aux enfants, lancé début 2017. Il faudra cependant veiller à sa « mise en œuvre concrète ».

  • La complexité de la question de la « présomption de consentement »

Le Défenseur des droits se montre prudent concernant le projet du gouvernement de fixer un âge en dessous duquel un mineur ne pourra être considéré comme consentant à un acte sexuel.

Soulignant la « complexité » de cette question, il recommande de réaliser une étude afin d’évaluer « les impacts sur l’ensemble des droits de l’enfant ». Il s’interroge notamment sur les conséquences pour le mineur de l’ouverture d’une procédure criminelle pour viol.

  • Sexisme : le rôle de l’école souligné

Le rapport souligne enfin le rôle de l’école pour lutter contre les comportements sexistes, regrettant que les séances d’éducation à la sexualité prévues par la loi ne soient pas systématiquement organisées. A la base des comportements de harcèlement sexuel, il y a « l’idée qu’il y aurait un rapport de supériorité des hommes par rapport aux femmes », commente M. Toubon. « L’éducation à la sexualité doit contribuer, dès le plus petit âge, à détruire stéréotypes et préjugés » mais « nous sommes loin du compte ».

L’éducation à la sexualité en milieu scolaire est prévue par la loi depuis 2001. Une enquête menée auprès de 3 000 établissements (publics et privés) par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a montré que cette loi n’est pas systématiquement mise en œuvre. 25 % des écoles répondantes (contre 4 % des collèges et 11,3 % des lycées) déclaraient n’avoir mis en place aucune action ou séance en 2014-2015.

Et parmi les écoles l’ayant fait, « 64 % n’ont pas articulé cette éducation à la sexualité avec les actions de promotion de l’égalité entre les filles et les garçons », souligne le Défenseur des droits. Il recommande « une approche globale » de l’éducation à la sexualité, une meilleure formation des intervenants, la prise en compte de la parole des jeunes et préconise d’associer les parents.