« La Journée internationale des droits de l’enfant est l’occasion de souligner que, dans le monde, des millions d’enfants doivent faire face à la montée de périls auxquels ils n’avaient jamais été confrontés. » (Photo : Shahida Begum, femme rohyngya qui a fui la répression contre la minorité musulmane en Birmanie, tient dans ses bras son fils Mohammad Numan, âgé de trois mois, dans le camp de réfugiés de Thaingkhali (Bangladesh), le 21 octobre). / Dar Yasin / AP

Tribune. Jamais les enfants n’ont eu à subir autant de violences. Sur les routes migratoires d’Europe, les enfants sont confrontés à toutes les formes d’atrocités. Très souvent livrés à eux-mêmes, ils deviennent des proies faciles pour les réseaux criminels. Près de 10 000 enfants migrants ont disparu en Europe ces deux dernières années.

Dans la région du lac Tchad, des dizaines de milliers d’enfants partent sur les routes à la recherche d’eau, franchissent les frontières, sont arrêtés et emprisonnés. Et comme ils n’ont pas de papier d’identité, un grand nombre reste en détention, sans que leurs familles sachent comment et où les retrouver.

Dans les camps de réfugiés en Jordanie, les parents se voient contraints de marier leurs filles de plus en plus jeunes. C’est la seule façon pour eux de les protéger des violences sexuelles. Cette régression les prive de tout, et en particulier de la possibilité d’aller à l’école.

Montée des périls

Le 20 novembre marque la Journée internationale des droits de l’enfant. C’est l’occasion de souligner que, dans le monde, des millions d’enfants doivent faire face à la montée de périls auxquels ils n’avaient jamais été confrontés.

1. Un enfant sur 10 vit dans un pays touché par un conflit armé. Les conflits se déplacent au plus proche des lieux de vie. Les écoles sont occupées et sont souvent bombardées, les minorités sont persécutées, les enlèvements de masse se multiplient, les enfants sont utilisés dans des attentats suicides. 230 millions d’enfants dans le monde vivent aujourd’hui dans des zones de guerre.

2. On assiste à une résurgence de la famine dont les effets sont démultipliés lorsque la guerre vient s’ajouter à la sécheresse. Comme en Somalie ou au Yémen actuellement. Les milices brûlent les cultures dans les champs, détruisent les stocks alimentaires et bloquent l’accès à l’aide humanitaire. Aujourd’hui, au plan mondial, 52 millions d’enfants souffrent de sous-nutrition aiguë et 3 millions en meurent chaque année. 155 millions présentent un retard de croissance dû à la malnutrition.

3. Toutes les quinze secondes, un enfant de moins de 5 ans meurt d’une maladie imputable à la consommation deau non potable. L’eau insalubre, ainsi que des installations sanitaires déficientes, est les principales causes de maladies comme la diarrhée, le choléra, la dysenterie, l’hépatite A ou la typhoïde, lesquelles sont responsables des plus forts taux de mortalité chez les enfants.

4. Chaque année, 66,5 millions d’enfants sont affectés par les effets dévastateurs du changement climatique. Ce chiffre pourrait atteindre 175 millions dans la prochaine décennie. Les enfants figurent parmi les victimes les plus vulnérables face à des catastrophes climatiques comme les sécheresses ou les inondations, lesquelles accentuent les risques de malnutrition ou de maladie. Les enfants représentent 80 % des décès attribués au dérèglement du climat.

5. Si des progrès considérables ont été accomplis en matière de lutte contre la pauvreté, la situation des plus défavorisés se détériore. Et il n’est nul besoin d’aller au bout du monde pour le constater. En France, environ 3 millions d’enfants, soit 1 enfant sur 5, vivent sous le seuil de pauvreté, à tel point que faire reculer la pauvreté est devenu une priorité absolue pour notre pays.

6. Plus de la moitié des personnes qui empruntent les routes migratoires sont aujourd’hui des femmes et des enfants, parmi lesquels se trouvent des mineurs isolés, le plus souvent en situation d’errance. Le nombre d’enfants réfugiés et migrants a été multiplié par cinq depuis 2010. Trois cent mille enfants en 2016 contre soixante mille en 2010. La majorité, soit 170 000, a demandé l’asile en Europe.

7. Il est très difficile pour un enfant, voire impossible, d’être admis dans une école ou de se faire soigner à l’hôpital en l’absence d’un certificat d’état civil. Or, près de 230 millions d’enfants de moins de cinq ans n’ont jamais été déclarés à leur naissance. Un enfant sur 3 dans le monde est ce qu’on appelle un « enfant fantôme ». Il n’existe pas officiellement.

Des initiatives dispersées

C’est important de connaître ces faits et ces chiffres pour comprendre à quel point, de nos jours, des millions d’enfants luttent encore pour leur survie. Mais il ne faut pas oublier pour autant les avancées réalisées depuis une vingtaine d’années, en particulier grâce à l’action conjuguée de toutes les organisations humanitaires. Des progrès notables ont été accomplis dans tous les domaines. Notre capacité à mobiliser nos ressources, à fournir des réponses rapides et efficaces dans des situations d’urgence s’est renforcée. Les programmes de terrain à moyen terme se sont multipliés et intensifiés. Malgré des situations de crise de plus en plus fréquentes, et souvent complexes, notre action commune porte ses fruits.

ceux qui nous gouvernent ont du mal à prendre la vraie mesure des enjeux

Il reste que, pour remplir les Objectifs de développement adoptés à l’Assemblée plénière des Nations unies en septembre 2015, les Etats doivent s’engager plus vigoureusement dans la défense des droits de l’enfant. Aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de leurs frontières. Or la grande majorité n’a pas clairement défini de véritables politiques en matière de protection de l’enfance. Toutes les initiatives prises en faveur des enfants sont dispersées, éclatées entre ministères, institutions et administrations.

Il en résulte une absence criante de plans d’ensemble. Cela nous montre à quel point ceux qui nous gouvernent ont du mal à prendre la vraie mesure des enjeux. Pour eux, l’enfance est une priorité parmi d’autres. Et la France ne fait pas exception. Pourtant, les hommes politiques ne devraient pas l’oublier, c’est à la façon dont elle prend soin de sa jeunesse que l’on peut juger de la grandeur d’une nation.